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Illustration de Kim Provent pour KIP

Pourquoi l’équipe de France ne va-t-elle pas gagner l’Euro 2020 ?

Alors oui, j’ai vibré comme une grande partie de la population devant les exploits russes de la bande du capitaine Hugo Lloris en 2018. Oui je serais totalement derrière l’équipe de France en juin prochain et j’espère de tout cœur pouvoir assister depuis une fanzone ou un bar (si le Coronavirus voulait bien avoir le bon goût de les laisser rouvrir d’ici là) à sa victoire au stade de Wembley à Londres qui lui offrirait un troisième titre de champion d’Europe, après 1984 et 2000. Pourtant, il faut se rendre à l’évidence : ce rêve restera un vœu pieux et nous connaîtrons une déconvenue dans un peu plus de quatre mois à l’Euro.

La concurrence n’a jamais été aussi forte

L’adage dit qu’à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. C’est sans doute vrai, mais le sélectionneur Didier Deschamps préfèrerait sans doute à l’heure actuelle se retrouver dans la situation d’il y a trois ans en Russie où à l’exception peut-être de la Belgique en demi-finale, son équipe n’avait rencontré que des équipes secondaires (comme la Croatie en finale) ou en perte de vitesse (l’Argentine en huitième de finale ou l’Uruguay en quart) sur la scène internationale. 

Cette fois, il est d’ores et déjà acté que la France ne bénéficiera pas d’un parcours jusqu’au titre aussi clément : rien que les adversaires à leur menu durant la phase de poules ont de quoi faire trembler les Bleus. Affronter d’entrée un Portugal, où Cristiano Ronaldo n’est plus seul au sein de ce qui peut paraître être la meilleure armada offensive du continent avec Bruno Fernandes, Joao Felix ou encore Diego Jota, ainsi qu’une Allemagne, championne du monde 2014 et toujours redoutable, qui aura à cœur de se rattraper après l’affront subi à l’Automne dernier face à l’Espagne (défaite 6-0) n’a rien d’une sinécure. On pourrait même imaginer un scénario catastrophe où les Bleus ne passeraient même pas le premier tour (à nuancer toutefois car même une troisième place en poule peut permettre de passer en huitième de finale).

Passé ce premier obstacle, la suite du chemin sera tout autant semée d’embûches pour notre équipe nationale. La Belgique semble enfin arrivée à maturité et revancharde après son élimination par l’équipe de Deschamps en Russie. Gageons que nos amis les Diables Rouges auront à cœur cette fois de prouver par des actes qu’ils ne sont pas seulement les champions du monde… de la possession. Ajoutez à cela le retour au premier plan de vieilles gloires du continent comme l’Angleterre, l’Espagne ou encore l’Italie, et la prolifération d’outsiders en tout genre (Pologne, Pays-Bas, Croatie…), et vous comprendrez aisément que les candidats au titre sont nombreux et la tâche s’annonce bien ardue pour cette équipe de France. Si la Coupe du monde avait le bon goût de proposer des matchs à priori « plus simples » face à des équipes surprises s’étant extirpées des qualifications, ça ne sera pas le cas pour la France à l’Euro, puisque même le match face à la Hongrie en poule prendra vite des allures de combat à la vie à la mort décisif en cas de défaite face à l’Allemagne ou au Portugal. Assaillis sans répit, on peut douter de la capacité des Bleus à faire front…

Le plan de jeu de Didier Deschamps : un modèle qui a fait ses preuves mais semble aujourd’hui à bout de souffle

On connaît la recette qui a conduit l’équipe de France au sommet en 2018 : une défense solide, et une capacité de projection vers l’avant en contre incroyable, le tout au sein d’un 4-2-3-1 assurant une parfaite transition entre les deux phases. Avec des flèches telles que Mbappé (flashé à 37km/h face à l’Argentine à Kazan) en attaque, une telle tactique était tout à fait justifiée et a été plus que fructueuse. Malheureusement, l’incapacité des bleus à se renouveler semble bien leur faire marquer le pas ces derniers mois. En effet, plus question pour notre équipe nationale de se cacher derrière un pseudo-statut d’outsider, rejetant la pression sur ses adversaires au motif que ceux-ci seraient plus aguerris et murs pour gagner une telle compétition…. Cette seconde étoile sur le maillot est comme une cible placée sur le blason d’une équipe de France qui, telle un shérif au Far-West, est attendu à chaque coin de rue par de vils desperados prêts à tout pour la descendre. A chacune de leurs sorties, les bleus sont désormais attendus par des adversaires aux dents rayant le parquet pour qui le match contre les champions du monde en représente bien souvent l’affiche de l’année. Et la tactique à mettre en place pour les coachs rencontrant l’équipe de Deschamps est désormais connu de tous : un bloc bas ne se découvrant pas, annihilant d’office toute tentative de contre attaque de la part des Bleus… tout en jouant sur ce même élément qui faisait jadis la force de l’équipe de France : une fois l’équipe adverse enfoncée profondément dans sa propre moitié de terrain, lancer rapidement le ballon tout juste récupéré loin devant et partir en contre en profitant des nombreuses flêches offensives.

Et c’est là que le bât blesse pour Mbappé et consorts. La solution face à une telle tactique n’a toujours pas été trouvée. Si la France a été loin d’être ridicule depuis 2018, comme le montre sa récente qualification pour le Final 4 de la Ligue des nations ou encore sa seconde place au classement FIFA (deux indicateurs loin de faire l’unanimité mais néanmoins intéressants), certains résultats font plus que tâche. On rappellera notamment la défaite 2-0 de Juin 2019 face à la Turquie, loin d’être une terreur pourtant sur la scène internationale. Mais comment ne pas parler ici surtout de l’humiliation subie en novembre dernier au Stade de France face à la très modeste équipe de Finlande (55ème au classement FIFA à la date du 8 Mars), venue s’offrir le scalp des partenaires d’Hugo Lloris sur le score net et sans bavure de 2 à 0. Certains ont défendu Deschamps en rappelant que c’était les « coiffeurs » français qui étaient sur le terrain 1Les habituels remplaçants ne profitant de temps de jeu que lorsque les titulaires indiscutables (voire même des remplaçants plus chevronnés sont laissés au repos).. C’était en effet ce soir-là Steve Mandanda qui gardait les cages des Bleus. Kurt Zouma et Christophe Lenglet formaient la charnière centrale d’une équipe de France à la pointe de laquelle Wissam Ben Yedder connaissait une de ses rares titularisations. Mais prêtons attention à leurs adversaires du soir : Joronen, Vaisanen, Kauko, Niskanen ou encore Forss et Hamalainen sont loin d’être les noms les plus ronflants du football européen. Si l’on prend la valeur marchande des joueurs (argument certes contestable), le onze de départ finlandais ce soir-là n’était estimé qu’à hauteur de 9 850 000€ quand celui des bleus atteignait les 303 000 000€ 2Estimations réalisées par le site Transfermarkt. Bref… l’accident industriel est bel et bien avéré, et pourrait bien se répéter à l’Euro à moins que Deschamps ne nous sorte une tactique novatrice de son chapeau, ce qu’il ne semble pour l’instant pas en capacité de faire tant les essais de 4-3-3 ou même de 3-5-2 ont peiné à donner satisfaction et à révolutionner le jeu français.

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Les tauliers de 2018 sont aujourd’hui en méforme et la relève peine à s’imposer

Retournons un peu plus de deux ans dans le passé, le 15 Juillet 2018 au Stade Loujniki de Moscou. Ce jour-là, les buteurs français s’appelaient Antoine Griezmann, Paul Pogba et Kylian Mbappé. Alors que s’annonce avec l’Euro dans quelques mois, seul le jeune talent du Paris Saint-Germain semble s’en être bien sorti : titulaire indiscutable en club, il a atteint un niveau de rayonnement certain et a changé de dimension que ce soit en club ou en sélection. Les deux autres héros d’un jour tricolores semblent eux clairement en baisse de régime. « Grizou » semble perdu depuis deux ans au FC Barcelone qu’il a rejoint depuis l’Atletico Madrid, où il peine à s’imposer en tant que titulaire indiscutable et à enchaîner les performances de haut niveau. Un champion du monde chouchou de tout un pays qui peut même parfois se retrouver sur le banc pour des matchs décisifs… Avouez que la situation est loufoque… La situation de Pogba n’est guère plus reluisante puisqu’il a connu plus de hauts que de bas depuis trois saisons en Angleterre avec Manchester United.

Ces deux cas ne font pas figure d’exception au sein d’un groupe qui a perdu de sa superbe depuis 2018. Si Vegedream écrivait son tube « Ramenez la coupe à la maison » aujourd’hui, il écrirait sûrement cette fois que Samuel Umtiti casse son genou gauche et non plus la démarche. Benjamin Pavard n’a plus fait se lever grand monde depuis son but de génie une après-midi de Juillet à Kazan3« Second poteau Pavaaaaaaaaard » dirait Grégoire Margotton.  Giroud commence peu à peu à souffrir de l’enchaînement des saisons passées avec un nombre de titularisations réduit à peau de chagrin (bien qu’ils soit décisif à chaque apparition). D’autres joueurs enfin ont disparu totalement des radars. C’est le cas de Blaise Matuidi, parti jouer sous le soleil de la MLS 4Ligue nord-américaine de football et qui ne fait plus partie des plans de Didier Deschamps.

Certains objecteront ici que les bouleversements au sein d’une équipe nationale de football, au gré des méformes des uns, et de l’explosion au grand jour du talent des autres sont monnaie courante et même nécessaires entre deux compétitions internationales. Le problème, c’est que la relève peine ici à arriver et à occuper la place que l’on attend d’elle. Seul espoir à avoir un temps été présenté comme un potentiel futur titulaire en puissance, Edouardo Camavinga connaît aujourd’hui le contrecoup du succès. Ses performances moyennes cette année contrastent avec son explosion accélérée de la saison passée qui lui avait ouvert les portes du groupe France. Ce cas est symptomatique d’une équipe incapable de se renouveler, avec des cadres vieillissants mais restant en place même si une relève portée par une jeunesse insouciante frappe à la porte. 

Du même auteur : Comment le Coronavirus est-il en train de tuer le rugby international ? – KIP (kipthinking.com)

Source :

https://www.transfermarkt.fr (pour les estimations des valeurs financières des joueurs)

Julien Vacherot

Julien Vacherot

Étudiant français en Master in Management à HEC Paris (Promotion 2024). Rédacteur en chef de KIP, interviewer et contributeur régulier.

French student in Master in Management at HEC Paris (Class of 2024). Chief Editor of KIP, interviewer and regular contributor.