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Entretien avec M. Yves Veyrier, secrétaire national du syndicat Force ouvrière

Suite de notre série consacrée à l’engagement syndical : KIP a eu l’honneur de poser ses questions à M. Yves Veyrier, actuel secrétaire national du syndicat Force ouvrière. Ancien membre éminent du Conseil économique, social et environnemental et de l’Organisation internationale du travail, M. Veyrier est un spécialiste de la question syndicale aussi bien au plan français qu’international. Une approche singulière de l’engagement syndical, particulièrement intéressante du fait de l’importance de la perspective historique dans le propos de M. Veyrier, est à découvrir dans cet entretien nourri. 

Victor Pauvert : Quel est votre rôle en tant que secrétaire national de Force ouvrière ? Pourriez-vous décrire succinctement les tâches qui vous incombent et l’organisation d’un syndicat comme le vôtre ?

Yves Veyrier : La CGT-FO se revendique comme la confédération continuatrice de la “vieille” CGT. D’ailleurs, je suis assis, dans mon bureau, en face de l’image de Léon Jouhaux, qui était secrétaire général de la CGT avant la Première guerre mondiale, l’un des artisans de la mise en place de l’Organisation internationale en 1919 dans le cadre du traité de Versailles, et, au même moment, le fondateur de ce qui allait devenir le Conseil économique, social et environnemental. M. Jouhaux, en tant que secrétaire général de la CGT, a dû faire face aux deux conflits mondiaux du XXe siècle, jusqu’en 1947, moment où ceux qui allaient fonder la CGT-FO un an plus tard ont quitté la CGT. La CGT-FO a donc été créée en 1948, Léon Jouhaux étant, compte tenu de son âge, devenu président d’honneur de la CGT-FO. Il était devenu, entre temps, président du Conseil économique et social et il sera honoré par le Nobel de la paix pour son engagement au niveau national et international. Nous nous réclamons donc de la continuité de la “vieille” CGT au sens où la CGT était fondée sur la charte d’Amiens [adoptée en 1906, ndlr], qui tranche principalement la question du rôle du syndicat vis-à-vis non seulement du patronat mais également du politique. Les discussions portaient sur l’aspiration révolutionnaire des syndicats. Au même moment, se développaient les partis politiques qui se réclamaient eux-mêmes de la classe ouvrière. Deux approches se confrontent alors : celle de la conquête du pouvoir politique pour améliorer les conditions de travail ouvrier, et celle de la conviction que les ouvriers devaient, eux-mêmes et par eux-mêmes, améliorer collectivement leur sort et aboutir progressivement à une transformation radicale de la société allant jusqu’à la disparition du patronat et du salariat, ce qui était l’aspiration des syndicalistes majoritaires à l’épique. Il y avait débat au sein du syndicat, ce qui a conduit à ce qu’on tranche en proclamant que le syndicat devait être autonome, quelles que soient les intentions de tel ou tel parti politique au pouvoir. Cela s’est d’ailleurs traduit, en 1921, par une première scission, avec la création de la CGT unifiée, qui considérait que le syndicat devait être associé à l’action du Parti communiste. Toute l’histoire sera ensuite marquée par des fusions (comme en 1936) et scissions (comme en 1939). La dernière scission, qui crée FO, a lieu en 1948. FO est à ce moment-là le seul syndicat qui participe à la création de la Confédération internationale des syndicats libres, en 1949. Depuis, le paysage s’est modifié en France, avec une scission au sein de la CFTC en 1964, qui voit la création de la CFDT. C’est le moment de la déconfessionnalisation du mouvement syndical chrétien. C’est aussi vrai au niveau international, avec la création de la Confédération mondiale du travail. Parallèlement a été créé un syndicat de cols blancs, de cadres, la CFE-CGC, en 1944. D’autres syndicats autonomes sont créés, comme dans le ferroviaire ou l’aérien. 

A sa tête, Force ouvrière élit un secrétaire général. Vous remarquerez que l’on n’utilise pas le terme de président, car le mouvement ouvrier a toujours considéré que le collectif devait l’emporter sur la personnification du rôle du dirigeant. D’ailleurs, il en va de même dans les partis communistes ou socialistes. Le secrétaire général a le rôle de conduire l’action à tous égards : en termes de fonctionnement quotidien, d’organisation, de recherche de moyens, de mise en œuvre de ces moyens de fonctionnement, d’investissement. C’est une fonction quasiment entrepreneuriale, afin de mettre en œuvre la politique décidée par l’organisation de manière collective. Nous fonctionnons en congrès, qui se réunissent en général tous les trois ou quatre ans : ce sont les délégués des syndicats qui, librement, sous réserve de remplir un certain nombre de critères, déléguer des représentants au congrès qui vont débattre de l’activité conduite sous la responsabilité du secrétaire général et du bureau confédéral. Le bureau confédéral étant l’exécutif de la confédération. Nous sommes douze membres du bureau confédéral, dont un trésorier général, et des secrétaires confédéraux qui ont en charge des secteurs spécifiques de la politique syndicale. Le secrétaire général, lui, a la charge de coordonner cet ensemble. Au moment du congrès, les délégués débattent de l’activité, font connaître leur satisfaction ou leur insatisfaction quant à l’activité passée de l’organisation. C’est une analyse des raisons pour lesquelles tel délégué choisit telle orientation, de manière générale ou pour tel dossier particulier. De ces débats s’ensuit un vote d’approbation du rapport d’activité. Évidemment, lorsqu’un rapport d’activité n’est pas approuvé, ce qui arrive rarement mais qui est probable, comme c’était le cas en 2018, cela met en cause l’équipe qui constitue le bureau confédéral. Ensuite, le congrès débat des grandes lignes politiques de l’action qu’il veut confier à son instance. Les délégués au congrès votent des résolutions, textes préparés par avance. Ces trames sont amendées au fur et à mesure des débats, puis votées et approuvées. Ce n’est pas le congrès qui élit le bureau confédéral, mais le comité confédéral national, composé des représentants des unions départementales et des fédérations nationales d’industries. Ce comité confédéral, que l’on pourrait appeler le conseil d’administration de la confédération, se réunit deux fois par an en dehors des congrès, pour s’assurer que le bureau confédéral conduit l’action de la confédération conformément aux orientations décidées par le congrès. D’ailleurs, il existe une émanation de ce comité confédéral, dénommée la commission exécutive confédérale, de trente-cinq membres, qui se réunit de manière mensuelle avec la même fonction. A l’issue du congrès, le comité confédéral élit cette commission exécutive confédérale, censée parer les aléas au fil du mandat. 

Évidemment, le secrétaire général est aussi le porte-parole public de la confédération. Sur les questions générales, d’ensemble, c’est lui qui est sollicité. 

V.P. : Votre syndicat est né d’une scission avec la CGT en 1948, entre communistes révolutionnaires (CGT) et réformistes (CGT-FO). A l’heure où M. Martinez, le secrétaire général de la CGT, n’est plus encarté au Parti communiste, qu’est-ce qui distingue FO de la CGT ?

Y.V. : La distinction entre réformistes et révolutionnaires est moins évidente aujourd’hui. La question ne se pose plus de manière effective. Du fait de l’indépendance de Force ouvrière, le syndicat rassemble encore des militants qui se réclament encore du trotskysme, de l’anarchisme, de l’anarcho-syndicalisme, voire du socialisme de l’ancienne SFIO, ce qui est moins fréquent aujourd’hui. On trouve également des radicaux, des laïcs. FO a souvent été décrit comme le syndicat laïc français. On y trouvait aussi des gaullistes sociaux, qui rejoignaient FO par anticommunisme. C’est ce qui nous a profondément séparés de la CGT. D’ailleurs, à l’époque, on ne parlait plus du Parti communiste comme d’un parti révolutionnaire : il était beaucoup plus associé au stalinisme. Et ce, tandis que certains membres de FO souscrivaient à l’idéologie marxiste révolutionnaire ou de l’anarcho-syndicalisme, contre le stalinisme. Ce n’est donc pas vraiment sur la distinction entre réformisme et révolution que s’est jouée la scission entre les deux syndicats. Il s’agissait avant tout d’un débat sur le rôle du politique vis-à-vis du syndicat. Et c’est ce qui nous sépare encore aujourd’hui. À la différence de la CGT, nous ne considérons pas que nous devons confier à l’Etat le soin de gérer l’ensemble du système social pour le compte de la population en général. Encore aujourd’hui, dans l’activité syndicale concrète, FO est très attaché à la négociation collective et à la pratique contractuelle. Nous sommes attachés à un système économique et social mixte, qui veut que l’Etat prenne en charge ce qui relève de l’intérêt général en termes de responsabilité, de définition et de financement de la politique, et que les syndicats négocient avec les employeurs la part de richesses produites par l’activité économique redistribuée aux salariés, aussi bien en termes de salaire que de financement de la protection sociale collective solidaire. Nous avons toujours été attachés à préserver cette part de protection sociale gérée ainsi : FO a longtemps été identifié au paritarisme [un principe consistant en la cogestion d’un organisme par un nombre égal de représentants des employés et des employeurs, ndlr]. En 1995, nous avons lutté contre le plan Juppé, qui conduisait à une gestion de la Sécurité sociale par le Parlement, remplaçant une cogestion par l’Etat et les organisations patronales et salariales. C’est la création de la CSG, qui complète les cotisations sociales et justifie que ce soit le Parlement qui vote le budget de la Sécurité sociale. Il en va de même pour la gestion des retraites complémentaires. Vis-à-vis de la CGT, FO revendiquait, en 2019, que l’Etat n’impose pas de nouveaux critères de gestion de l’assurance chômage. La CGT a signé très peu d’accords nationaux interprofessionnels, à notre rebours. Ainsi, nous nous distinguons par notre attachement à la place de la négociation collective, du contrat entre organisations patronales et syndicales, car nous considérons qu’il est plus sain d’un point de vue politique que tout ne soit pas concentré entre les mains de l’Etat. Cette position nous distingue des modèles anglo-saxon comme des systèmes collectivistes soviétique ou chinois. Nous défendons strictement l’intérêt particulier des salariés, grande composante de la population, mais nous considérons qu’il faut distinguer ce qui relève de l’intérêt général de l’intérêt particulier. Selon nous, il est sain, économiquement, de responsabiliser aussi les acteurs privés dans la répartition des richesses.

Julien Vacherot : Comme l’ensemble des autres grands syndicats, FO a appelé à une grève massive lors du passage au Parlement du projet de loi de réforme des retraites, en 2019. Quelle est votre position à ce sujet ? 

Y.V. : Sur le projet de système universel de retraite par points, nous avons immédiatement expliqué les raisons pour lesquelles nous y étions opposés. Elles sont de deux ordres : d’une part, du fait de notre conception du rôle de la négociation dans la protection sociale, nous sommes opposés à un système universel, qui conduit à une unicité de traitement pour toute la population, sous tutelle de l’Etat. Autrement dit, un tel système supprime cette part de négociation privée qui existe avec le modèle actuel. Bien qu’un militant de FO préside encore le conseil d’administration de la Caisse nationale de l’assurance vieillesse, nous ne pouvons plus négocier sur le niveau des pensions, mais le gouvernement. On a beaucoup parlé du régime unique par rapport aux quarante-deux régimes existants, mais il faut savoir que, pour les salariés du secteur privé, il y a la retraite de base et la retraite complémentaire, cette dernière étant entièrement gérée par la négociation entre employeurs et confédérations syndicales. Cela représente 18 M de salariés cotisants de cette retraite complémentaire, 13 M de retraités qui perçoivent une retraite complémentaire et cela représente 70 à 80 Mrds € de cotisations et de prestations correspondantes. Dans le régime unique projeté par le gouvernement, ce régime de retraite complémentaire, fruit de la négociation entre employeurs et salariés, aurait été supprimé. Ce n’est pas rien. Donc, première raison : notre opposition à cette étatisation du système des retraites. 

D’autre part, un système universel par points conduisait à faciliter pour les gouvernements ultérieurs une gestion de l’économie en agissant sur les paramètres du point. Nous savons ce qu’il en est, car le système de retraites complémentaires est déjà par points. Le gouvernement aurait pu jouer sur ces paramètres pour faire en sorte que, de facto, y compris à l’âge légal de départ à la retraite, la pension des cotisants soit trop faible pour cesser de travailler à cet âge. Nous n’étions pas dupes. D’ailleurs, le gouvernement doutant de la rapidité et de l’efficacité de ce système par points, a ajouté l’âge équilibre ou âge pivot. Nous n’avions aucun doute que ce système conduisait à ce que les gouvernements puissent jouer sur les paramètres du système pour jouer sur le niveau des pensions et l’âge effectif de départ à la retraite. 

Pour ces raisons, nous avons contesté ce projet. Une journaliste de l’Opinion a qualifié notre action sur les retraites de “victoire à la fois sociale et intellectuelle”, car le public lui-même est arrivé à considérer que ce premier système universel était extrêmement complexe et porteur d’inquiétudes, au rebours de la communication qui était faite à ce sujet. Force est de constater que nous avons contraint le gouvernement à retarder à plusieurs reprises la mise en œuvre de ce projet. Le gouvernement a tenté de le passer en force au Parlement par l’usage de l’article 49-3 de la constitution, au moment-même où démarrait la pandémie, qui a bloqué la capacité du gouvernement d’imposer son système. Et heureusement, car il aurait fallu revenir sur ce système. Le gouvernement a cependant voulu revenir sur le sujet à l’été 2021, pensant que l’on sortirait peut-être de la crise sanitaire à ce moment. En tout état de cause, si une réforme du même type revient, nous la combattrons. Nous avons été, de ce fait, attentifs au rapport de la Cour des comptes, qui prône une réforme des retraites pour réduire le déficit de l’Etat. Nous ne sommes pas non plus irresponsables : c’est pour cela que nous pensons qu’il faut garder le rôle des syndicats et du patronat dans la gestion des pensions de retraites, pour réguler et modérer le système. C’est de cette manière que nous gérons le système de retraites complémentaires, à telle enseigne que nous avions une année de réserves financières, qui nous a permis de financer les retraites complémentaires, y compris durant la crise de la Covid-19. A fortiori, la reprise de l’activité économique va entraîner une reprise des recettes, qui va nous permettre de remettre rapidement nos comptes à l’équilibre. La situation financière de l’UNEDIC [l’organisme gestionnaire des allocations chômage, ndlr] redevient positive, alors même que cet organisme est géré par la négociation entre syndicats et patronat. Un tel système est donc efficace et résilient. Notre crainte sérieuse est de revoir l’idée d’une réforme par points revenir. Nous sommes en responsabilité et veillons nous-mêmes aux questions d’équilibre financier. Sur les retraites, la question est celle du rapport entre actifs et pensionnés, dans un contexte d’allongement de la durée de vie moyenne. Cependant, l’espérance de vie en bonne santé ne croit pas de la même manière que l’espérance de vie dans son ensemble. L’espérance de vie en bonne santé ne dépasse pas aujourd’hui les 63 ans. Au-delà, les hommes et les femmes sont moins en état de travailler de manière productive et confortable. Ce n’est donc pas une bonne idée de prolonger la durée d’activité. Pour assurer cet équilibre, il faut regarder d’où viennent les déséquilibres. Aujourd’hui, le départ à la retraite est à 62 ans, avec une durée de cotisation de 43 ans, ce qui fait qu’en pratique, peu de Français pourront prendre leur retraite à 62 ans sans décote. Les déficits proviennent des niveaux record du chômage, qui restent bien au-dessus de 2008 en termes de demandeurs d’emplois. Même si les choses s’améliorent, nous sommes loin des comptes. Il nous paraît donc important de produire du plein emploi, de qualité, de l’arrivée dans la vie active jusqu’au départ en retraite. Il est plus fructueux de gérer les causes que les conséquences de ce déséquilibre. Il faut travailler à une reconsidération de certains métiers, comme ceux des services à la personne, de logistique, de vente, etc, qui sont souvent payés au SMIC, avec peu de perspectives d’évolution, beaucoup en contrats précaires. Ils impliquent en plus beaucoup de très petites retraites. Nous devons donc réformer la question de la valeur des emplois, non délocalisables et qui sont indispensables pour que beaucoup d’autres professions puissent exercer. Dernier point : l’emploi des seniors, qui sont mis de côté au-delà de cinquante ans car trop chers et trop anciennement formés. Cette situation nous paraît devoir être prioritairement résolue avant de dire qu’il faut travailler plus longtemps. C’est ce que j’avais confié au Président de la République, en septembre 2019, au début de la phase de négociations préalable à la réforme des retraites qu’il entendait mener. Ce que mettait en avant le gouvernement à l’époque, c’était l’amélioration de la situation des carrières hachées. En admettant cela, le problème est de démissionner devant la tâche de corriger la précarité. 

Je pense que le système des retraites dépend du système économique : il faut s’attaquer au système économique avant de rogner sur les acquis des systèmes de retraites. La mise en retraite d’office ne doit pas, par exemple, pouvoir être imposée à un salarié par son employeur avant soixante-dix ans. Personne n’est obligé de partir à la retraite à soixante-deux ans. Plutôt que d’imposer à tous de travailler plus longtemps, mieux vaut travailler sur les conditions de travail, d’emploi et sur l’attractivité des métiers.

V.P. : Intéressons nous au lien entre syndicalisme et politique. Même si la fédération FO Métaux a publié un “manifeste pour une industrie verte” en marge de l’élection présidentielle qui vous classerait plutôt vers une gauche écologiste, de quel programme pour 2022 vous sentez-vous idéologiquement le plus proches ? Quel rôle pensez-vous pouvoir jouer dans l’élection présidentielle à venir ?


Y.V. : Nous ne nous considérons pas idéologiquement plus proches de qui que ce soit. Nous avons publié une plateforme plus générale que ce manifeste, de positionnement et d’analyses de la confédération sur des questions économiques et sociales. Nous évitons d’entrer sur le champ du politique. À la différence d’autres organisations, nous n’auditionnons pas les candidats, car, si nous auditionnions les candidats, nous devrions tous les auditionner, y compris certains candidats qui ont des positions que nous combattons, comme le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie. Nous avons toujours contesté le fait de faire des travailleurs migrants les boucs émissaires de la crise économique et sociale. D’autre part, si nous auditionnions, nous poserions des questions par rapport à ce que sont nos positions, et nous nous prêterions à la récupération électorale des candidats. La CGT et FO rassemblent bien plus d’adhérents que tout parti politique, ce qui en fait un réservoir confortable et enviable pour les candidats. Nous déclarons 500 000 adhérents même si nous n’avons pas de connaissance exacte de notre nombre total d’adhérents, alors que les primaires qui ont été organisées, notamment par la droite, ont rassemblé, in extremis, 120 000 affiliés. Ces partis pourraient donc être tentés de répondre dans notre sens à nos questions, ce qui, indirectement, amènerait nos adhérents à les préférer à d’autres. C’est un peu à l’image de la primaire populaire : nous ne voulons pas “noter” les candidats. Ainsi tenons-nous à ce que nos analyses sur les questions économiques et sociales ou autres soient connues, et à prévenir que ces positions seront maintenues avec la même détermination, quel que gouvernement que nous ayons en face. Sur la question écologique, nous nous sommes toujours intéressés aux questions environnementales : dès les années 1970, nous avons mis sur pied ce sujet comme l’une des attributions du bureau confédéral. Mais nous nous y sommes toujours intéressés en premier lieu du point de vue de l’environnement de travail et de vie des ouvriers et de leur famille. En effet, par exemple, les ouvriers habitaient et habitent la plupart du temps tout près de leurs usines. Puis est venue la question de l’environnement de manière beaucoup plus prégnante sur le plan politique dans les années 1970, ce qui a rendu compliquée cette question sur le plan syndical, car l’écologie est devenue politique. Il est indispensable de traiter politiquement ces sujets environnementaux. Nous avons pris part avec la délégation de la confédération syndicale internationale, à toutes les conférences des parties, les Cop. Plus récemment, nous faisions partie des délégations syndicales internationales qui essayaient de faire passer leurs analyses sur les politiques nécessaires face au réchauffement climatique, qui tiennent compte des questions sociales. Nous pensons que les politiques environnementales doivent être appuyées sur les politiques sociales. Non qu’il faille bafouer les enjeux climatiques pour préserver tel ou tel emploi, mais il est important de ne pas laisser sur le côté ceux qui seront affectés par des transformations économiques et industrielles, et d’anticiper suffisamment pour ne pas qu’ils en subissent les conséquences. La question s’est posée au sujet de la taxe carbone : il faut évidemment décarboner l’industrie et l’économie, mais en s’assurant que l’on ne réduit pas à l’inactivité ou la pauvreté ceux qui ne peuvent pas faire autrement que d’utiliser leur véhicule pour se rendre à leur travail. Cependant, notre action est devenue plus difficile quand l’écologie est devenue politique, car les partis écologistes, pour aspirer au pouvoir, devaient embrasser d’autres sujets que l’écologie. Ils doivent se positionner sur les questions sociétales, économiques, industrielles, etc. C’est le cas pour le nucléaire, dont nous ne sommes pas partisans de l’arrêt : nous sommes partisans de la plus grande sécurité associée à cette industrie, et, sur la base de l’expertise de la conférence syndicale FO sur l’environnement et le climat, nous prônons l’accession à la connaissance de la situation, pour développer cette industrie de la manière la plus sécuritaire possible.

Illustré par Maxence Delespaul

Victor Pauvert

Victor Pauvert

Étudiant français en Master in Management à HEC Paris (Promotion 2025).
Vice-président et rédacteur en chef de KIP, interviewer et contributeur régulier.

French student in Master in Management at HEC Paris (Class of 2025).
KIP's vice-president and editor-in-chief, interviewer and regular contributor.

Julien Vacherot

Julien Vacherot

Étudiant français en Master in Management à HEC Paris (Promotion 2024). Rédacteur en chef de KIP, interviewer et contributeur régulier.

French student in Master in Management at HEC Paris (Class of 2024). Chief Editor of KIP, interviewer and regular contributor.