KIP

Faut-il avoir de “l’impact” ?

En octobre 2022 ouvrira une nouvelle école au nom éloquent, la « school of impact »1https://www.ladepeche.fr/2022/05/04/school-of-impact-une-nouvelle-ecole-pour-se-former-a- la-transition-ecologique-10275318.php. Sa mission : former les étudiants à la transition écologique. Que pourra-t-on y découvrir ? Est-ce une école de commerce ? D’ingénieur ? D’agronomie ? D’agriculture ? D’artisanat ? Le nom ne le dit pas. Ce que l’on sait, c’est qu’on y apprendra à « avoir de l’impact ».

L’ouverture de cette école est l’occasion de réfléchir à ce terme d’impact, que l’on entend désormais partout, tout le temps, pour le meilleur et, pour le pire. Alors prenons le temps de nous poser la question. Est-ce une bonne chose que d’avoir de l’impact ?

Un mot violent

Pour commencer, rien de tel que de se tourner vers la définition de ce terme. Le sens premier que nous donne le Larousse est le suivant : « fait pour un corps, un projectile de venir en frapper un autre ; choc »2https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/impact/41780. Ce terme a donc stricto sensu une signification matérielle et violente : celle d’une collision, d’un choc. On parle ainsi de « l’impact » des balles tirées par des armes à feu.

Pourtant,ce sens premier a dérivé vers un sens davantage figuré, moins concret et qui n’a rien à voir avec le vocabulaire militaire. Mener des actions qui ont un impact, c’est mener des actions qui ont des conséquences importantes.

De quel impact parlons-nous ?

Avoir de l’impact semble ainsi être devenu un objectif parmi d’autres. Il faudrait « avoir de l’impact » à travers le métier que l’on mène, sans que l’on comprenne réellement ce que cela signifie. De nombreuses entreprises et écoles se vantent de permettre à ceux qui les choisissent d’avoir de l’impact. La fondation HEC a ainsi appelé la campagne de collecte de fonds 2019-2024 « Impact Tomorrow »3https://www.youtube.com/watch?v=nKOPTOYvegI sans qu’il soit réellement possible de discerner précisément ce dont on parle. Avoir de l’impact apparaît aujourd’hui alors comme quelque chose de positif et valorisant. Les personnes qui ont de l’impact sont celles qui font bouger les lignes, qui sont écoutées et suivies. Dans cette acception, avoir de l’impact n’est pas très différent d’avoir du pouvoir, de la puissance ou de manière plus large de l’influence. Le terme est nouveau mais l’idée ne l’est pas. Ce qui est loué, c’est de pouvoir décider pour d’autres, mettre en œuvre des changements et laisser une trace de son passage.

A côté des nombreuses organisations utilisant le terme d’impact pour qualifier des actions diverses et variées ayant une certaine importance, le terme d’impact a pris récemment une connotation que l’on pourrait qualifier « d’environnementale » et sociétale. On parle désormais « de métiers à impact », de « start-up à impact » dès lors qu’il y a un lien avéré avec la protection de  l’environnement.

Un article des Echos paru en 20204https://start.lesechos.fr/travailler-mieux/metiers-reconversion/les-5-metiers-a-impact-qui-vont- le-plus-recruter-en-2020-1174716 présente ainsi les 5 « métiers à impact qui vont le plus recruter en 2020 ».On y retrouve par exemple les postes de chef de produit et innovation durable ou de chef de projet climat.

On peut également citer le mouvement Impact France5https://www.impactfrance.eco, qui se définit comme « le réseau des entrepreneurs et dirigeants qui mettent l’impact écologique et social au cœur de leur entreprise ».

L’utilisation de ce terme d’impact varie donc entre des situations où il est clairement utilisé en relation avec les thèmes environnementaux et des situations où il signifie seulement l’importance des conséquences d’une action. Parfois, des actions dites à impact le sont seulement en vertu de leur ampleur ou de leur diffusion. Ces utilisations très différentes les unes des autres créent une véritable confusion et il est clair que de nombreuses organisations utilisent ce vocabulaire en se servant de cette connotation environnementale voire sociale sans que celle-ci ne soit pour autant directement présente au cœur de leur activité. Il est donc absolument crucial de distinguer l’impact « environnemental ou social positif » de l’impact tout court, qui ne signifie à vrai dire pas grand chose, si ce n’est qu’un projet a des conséquences, ce qui n’est guère surprenant.

Qu’est-ce qu’un impact environnemental positif ?

Laissons donc de côté l’impact sans rapport avec l’environnement ou le social pour approfondir cette notion « d’impact environnemental positif », qui est est devenue omniprésente.Quelles sont ces actions à impact environnemental positif ?

On pourrait tenter d’en citer quelques-unes comme celles menées pour replanter des arbres, dépolluer d’anciens sites industriels ou encore protéger des animaux en danger. Elles permettent de régénérer certaines espèces ou certains lieux malmenés dans le passé.

Pourtant, si l’on y regarde de plus près, la plupart de ces actions dites « à impact positif » cherchent avant tout à minimiser les conséquences de nos activités. C’est notamment le rôle des personnes qui travaillent dans les départements RSE (responsabilité sociale et environnementale) des entreprises de faire en sorte que les activités de l’entreprise génèrent moins d’externalités négatives. Beaucoup de start-up proposent également des solutions afin de construire, produire, ou se mouvoir de manière plus économe en énergie et en ressources. On aime alors à dire que ce sont des « start-up à impact positif ». De manière assez paradoxale, dans beaucoup de cas, avoir un impact positif signifie donc en réalité réduire l’impact général que nous avons sur notre environnement. Celles et ceux qui auront le plus d’impact seront ceux qui permettront aux plus de lieux et d’espèces d’être préservés de l’exploitation économique.

Pour cette raison, il faut être très prudent avec ce terme « d’impact positif » pour ne pas se tromper sur sa signification. Nous ne devons pas perdre de vue ce qui est aujourd’hui absolument nécessaire : réduire collectivement notre impact. Il est intéressant de parler d’impact positif, des démarches qui vont dans le bons sens, mais cela ne doit pas nous faire perdre de vue que ce qui nous met en danger ainsi que notre environnement, c’est l’emprise toujours plus grande que nous avons sur la nature, l’utilisation des ressources et l’accaparement des sols. Dans ce sens, ce terme est assez trompeur, car l’impact le plus positif pour notre environnement, c’est finalement celui qui n’existe pas. Il ne s’agit absolument pas de dire qu’il ne faut pas agir ni trouver de nouvelles solutions. Mais au moment de lancer une action qui pourrait être « bénéfique pour l’environnement », il est crucial d’avoir en tête que c’est en soulageant la pression que nous exerçons sur notre environnement que nous pourrons vivre de manière durable, pas en multipliant nos « impacts », aussi « positifs » puissent-ils être.

Illustré par Victor Pauvert

Eliott Perrot

Eliott Perrot

Étudiant français en Master in Management à HEC Paris (Promotion 2025).
Membre de KIP et contributeur régulier.

French student in Master in Management at HEC Paris (Class of 2025).
Member of KIP and regular contributor.