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L’écologie, l’art difficile de concilier sobriété et vie économique

L’écologie – la science qui étudie les interactions des Hommes avec leur environnement- est parfois regardée comme un amas théorique rétrograde, hostile au développement des projets entrepreneuriaux. Pire, elle peut être un véritable épouvantail pour une partie de la population qui l’assimile à un hobby de décroissants idéalistes qui détruisent des golfs au nom de la « défense de la planète ». Au plus haut niveau de l’Etat, cette méfiance a pu croître, certains dirigeants donnant le flan à un anti-écologisme flagrant : l’ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, n’avait-il pas dit, en pleine conférence de presse, “l’environnement, cela commence à bien faire” ?1Présidentielles : l’environnement, ça commence à se défaire ? (lagazettedescommunes.com)

Ni climatosceptiques ni décroissants

Pourtant, l’écologie peut être une véritable source d’inspiration à condition de la penser de manière stratégique. Il est nécessaire de modifier nos modes de vie et nos habitudes face aux changements climatiques. Si cela semble couler de source, deux pièges guettent l’écologie. D’un côté, les climatosceptiques ne comprennent pas ce « nouveau monde » et sont dépassés par des bouleversements massifs sans équivalent depuis la Seconde guerre mondiale. Ce courant, de plus en plus réduit mais de plus en plus bruyant, reste nocif dans sa résistance forcenée à l’adaptation. Souvent constitué de boomers, il s’apparente au poncif « après moi le déluge. » 

 De l’autre, une petite musique fait peur : celle de la décroissance, laissant de côté toute velléité de coopération avec le fameux monde de l’entreprise. Certains idéologues, comme la députée Sandrine Rousseau, prêchent un « grand soir teinté de vert ».  Originellement anarchiste, le « grand soir »2Aurélie CarrierLe Grand Soir. Voyage dans l’imaginaire révolutionnaire et libertaire de la Belle Époque, Libertalia, 2017, 242 pp, mythe de l’extrême-gauche durant tout le XXème siècle, désigne le chamboulement révolutionnaire détruisant l’ancien monde et permettant d’en créer un nouveau, en mettant à bas le système capitaliste et les normes de la société. En 2022, ce dernier est imprégné d’une vision écologisée qui résonne de plus en plus fort. Il faudrait cesser de produire, cesser d’avoir des enfants. Ce projet de société dangereux est fait d’affrontements et sera, il est certain, le ferment d’inégalités et de discriminations. Dans la lignée de penseurs révolutionnaires comme Bakounine et Proudhon, les tenants de cette ligne veulent une redistribution très élevée des richesses et une réduction du temps travail. Ainsi faudra-t-il, pour continuer à vivre sans produire, spolier tout détenteur de la propriété privée ? 

De la sobriété peut naître la créativité

Face à ce choix majeur, il est urgent d’inclure et non d’exclure. Il est urgent de faire de la pédagogie aussi. Les dirigeants d’entreprises doivent être les premiers acteurs du changement. Cette fameuse transition écologique se caractérise par la création de nouveaux emplois, mais aussi par la transformation de certaines professions. Il convient donc d’adopter une politique volontariste, au plus près de nos concitoyens. Il faut penser la stratégie environnementale : la France peut devenir le géant vert européen en misant sur les secteurs d’avenir ; ces derniers étant bien sûr responsables en matière d’environnement. Beaucoup d’idées germent dans ce domaine, qui peuvent être applicables par des maires, des régions, des entreprises comme des corridors écologiques qui permettent aux espèces animales de passer au-dessus des axes routiers, la pollinisation urbaine, des chartes écologiques municipales, des murs végétaux, des chèques-proximité en transformant une partie des tickets restaurant en des bons d’achat auprès des entreprises en circuit-court. 

A titre d’illustration, je me permets de développer un exemple d’une innovation écologique défendue par le think thank « Ecologie responsable » et qui incarne parfaitement l’alliage entre innovation et écologie : le banc connecté. On le sait, il est vital de revoir nos pratiques urbaines et de pouvoir évaluer le degré de pollution des villes afin de pouvoir le limiter, repérer les zones avec une forte densité de particules polluées et avertir la population. D’autant que d’ici à 2050, 80% de la population mondiale vivra dans des villes. Il s’agit, en outre, d’un enjeu de santé publique puisque sept millions de personnes meurent chaque année des conséquences de la pollution avec un coût en dépenses médicales estimé à 1,5 milliard d’euros en Europe. Sur le fondement des premières propositions de la start-up allemande Green City, nous pensons qu’il peut être judicieux pour les grandes villes et métropoles d’ériger des bancs avec un dossier dressé comme un mur végétal permettant de filtrer autant de CO2 que 275 arbres et de réduire la pollution de l’air de 30% dans un rayon d’environ cinquante mètres. Enfin ce banc écologique intègre une technologie permettant notamment de renseigner en temps réel les données atmosphériques afin de permettre aux citadins de s’informer et d’adapter leurs pratiques. S’il ne s’agit que d’un exemple parmi un grand nombre, cette modification de notre vision de l’écologie dépend beaucoup de la mise en place d’une politique publique ambitieuse. 

Vers une politique publique favorable à l’innovation écologique ? 

 Il est de bon ton dans le microcosme politique de fustiger l’inconséquence des chefs d’entreprise uniquement intéressés par le principe de rentabilité. Mais la faute n’incombe-t-elle pas avant tout aux décideurs publics qui n’ont pas su ou pu prendre les mesures tant espérées par lâcheté, démagogie ou cynisme ? Aujourd’hui ces entreprises, poumon économique de notre pays et qui font vivre des millions de salariés, cherchent à modifier leurs process comme l’explique Barbara Pompili, ancienne ministre de l’Ecologie3 Barbara Pompili exhorte les entreprises à “prendre le virage” de la transition écologique (linfodurable.fr) : « Les entreprises qui prennent le chemin de la transition écologique sont celles qui vivront demain. On sait que dans une transition il y a des gagnants et des perdants, ce n’est pas pour ça qu’on va laisser les gens sur le carreau ». Les résultats commencent à poindre et les mentalités ont déjà évolué comme le précise la récente enquête menée par la BPI France expliquant que 80 pourcents des dirigeants sont convaincus du besoin de conduire une véritable transition écologique4Bpifrance et l’ADEME lancent l’Accélérateur Décarbonation, pour accompagner les PME et ETI françaises dans leur transition écologique. Cette volonté de changer est également visible dans l’attrait des entreprises pour des fondations et organisations comme le Forum de Giverny, travaillant à une meilleure « Responsabilité Sociale et Environnementale ». 

Loin du greenwashing que critiqueront les tenants de la décroissance, il est primordial de défendre un esprit de sobriété, qui cherche à maintenir une vie économique dans le respect de la planète sans oublier que nous sommes des héritiers, enracinés et dépositaires d’un « bien commun » que nous devrons léguer aux générations futures. La formule « Les forêts précèdent les civilisations, les déserts les suivent » du grand écrivain François-René de Chateaubriand dans ses Mémoires d’Outre-Tombe résume cette pensée. Notre modèle est beau quand il permet un juste développement de notre économie tout en défendant le respect et la protection de notre environnement. Notre génération refuse d’être celle du « désert » qui oublierait la planète, elle ne doit pas non plus devenir celle qui renverse la table, jetant aux orties progrès, économie et génie de l’Homme. Cette génération doit être écoutée. 

Illustré par Victor Pauvert

Ferréol Delmas

Ferréol Delmas

Director général du think-tank "Écologie responsable", partenaire de KIP.
Contributeur régulier.

Head of the "Responsible ecology" think-tank, partner of KIP.
Regular contributor.