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Interview de Jean Lassalle, candidat à la présidentielle

Pour la deuxième fois après 2017, le député Jean Lassalle est candidat à l’élection présidentielle. Connu pour ses prises de paroles franches et souvent décalées, il revient devant les Français en mettant en avant un programme semblable à aucun autre, résolument tourné vers le monde rural. Pour lutter contre le marasme ambiant dans lequel la société française est plongée, il fonde en 2016 le mouvement Résistons! En pleine campagne, il a pris le temps de répondre aux questions de Lucas, Théotime et Julien pour KIP

Bonjour M. Lassalle. Première question : en quoi le Jean Lassalle d’aujourd’hui est-il différent du Jean Lassalle de 2017 ?

Bonjour, le Jean Lassalle d’aujourd’hui est d’abord le même que le Jean Lassalle de toujours. Mes convictions n’ont pas changé bien au contraire. Elles ont été confortées par l’évolution de notre pays. Mais depuis, il y a eu le COVID, le mandat d’Emmanuel Macron, le contexte a changé.

J’ai pu constater, comme beaucoup d’autres, le mépris avec lequel le Président de la République a considéré le peuple français, ces gens « qui ne sont rien ».

En tant que député, j’ai assisté avec douleur à la déliquescence de la fonction de représentant de la Nation qu’occupent nombre de mes collègues. L’Assemblée nationale n’est devenue qu’un théâtre d’ombres, n’étant plus qu’une chambre d’enregistrement de décisions déjà actées ; le cas des débats sur la gestion du covid en est l’exemple le plus parlant.

Enfin, en tant que candidat, je ne peux que regretter l’accroissement de l’inégalité de traitement dans le milieu médiatique : comment se fait-il que je sois aussi peu invité à m’exprimer sur mon projet pour la France tandis que d’autres sont quasi-quotidiennement sollicités pour s’exprimer sur tel ou tel fait du jour ou de la veille ? Cela n’est pas sérieux et n’est pas digne d’un pays qui se veut démocratique comme le nôtre.

Vous aimez à vous revendiquer le candidat de la ruralité, défenseur de ces territoires délaissés par la mondialisation, notamment dans ses aspects économiques et financiers. Comment proposez-vous d’intégrer ces territoires ruraux à cette dynamique mondiale ?

Je ne me revendique pas comme tel, mais il est vrai que cette cause me parle beaucoup. Il n’est pas normal qu’un pays comme le nôtre ne puisse même pas fournir à ses agriculteurs de quoi subvenir à leurs besoins, s’endettant chaque jour qu’ils passent à gérer leur exploitation.

La mondialisation effrénée, guidée par une financiarisation absolue n’y est pas pour rien : Les accords de libre-échange tels que le TAFTA ou le CETA ainsi que les normes européennes sur l’agriculture comme la PAC doivent être entièrement revus. Est-il vraiment souhaitable d’importer du maïs de

l’autre bout du monde alors qu’on le fait pousser dans le champ d’à côté ? Et qu’en est-il de l’éleveur de vaches qui se voit contraint de jeter son lait ?

Je suis pour revoir profondément le mode de distribution des aides de la PAC. Qu’elles soutiennent davantage les petites et moyennes exploitations. Je veux favoriser les circuits courts, ce qui soutiendrait les producteurs locaux et aurait également un impact positif sur le plan écologique. Quant à la dynamique mondiale, certains produits s’y intègrent parfaitement : le monde entier nous envie nos vins et fromages.

Vous avez toujours choisi de prendre une posture décalée qui a même pu être jugée provocante. A l’heure où l’exemplarité est une notion de plus en plus importante aux yeux des Français, pensez-vous que cette image vous est bénéfique ou au contraire qu’elle vous dessert ?

Je n’ai jamais choisi une telle posture, simplement je mets un peu d’humanité lorsque je m’exprime sans me cacher derrière des artefacts de la communication, fades et austères. Les Français que je rencontre me disent apprécier ce franc-parler, mais il est vrai que certains médias, à coup de montages pas toujours très fins, s’amusent à me faire passer pour quelqu’un de pas très sérieux, ce qui ne peut que participer à discréditer mon image et mon message. Ceux qui me suivent et me connaissent savent qui je suis et la profondeur des idées que je souhaite défendre.

En ce qui concerne la notion d’exemplarité, j’y tiens profondément et y mets un point d’honneur. Depuis que je sers la France, pas un euro détourné, pas une condamnation prononcée. Tout le monde ne peut en dire autant, et les Français ont raison d’attendre une telle exigence de la personne qui sera amenée à diriger ce pays.

Cela fait maintenant quatre ans que le “#Me too” a été lancé. Comment vous positionnez-vous par rapport à ce mouvement ? A l’heure où plusieurs personnalités politiques sont accusées d’agressions sexuelles, quelle place pour celui-ci en politique ?

Ce mouvement a été une véritable force permettant aux femmes de pouvoir se libérer du poids de la honte, parfois de la culpabilité. Je ne peux que soutenir cet élan de vérité afin que toute la lumière soit faite et qu’aucun crime ne reste impuni.

Les faits reprochés sont trop graves : Combien de vies de femmes ont basculé, ont été brisées suite à des faits d’une telle laideur ?

Voilà pourquoi on ne peut pas instrumentaliser ces faits, et s’en servir pour émettre des accusations sans fondement, sous peine que la parole des victimes soit par la suite discréditée et que la personne visée par ces accusations soit salie. J’en ai moi-même fait les frais et je peux vous dire que ces accusations, bien qu’infondées, ont eu un fort impact.

Vous n’avez pas hésité à de nombreuses reprises à être très critique envers le gouvernement actuel. Pour autant, si ce gouvernement venait à être opposé à l’extrême-droite au second tour des présidentielles, donneriez-vous une consigne de vote spécifique ?

Je vais être très bref et très clair : je considère trop les Français et leur intelligence pour devoir leur donner une quelconque consigne électorale, qui irait de surcroît à l’encontre de tous les principes fondamentaux de la République. Je ne donnerai aucune consigne de vote, les Français sont libres de faire le choix par eux-mêmes.

Vous n’avez jamais hésité à manifester votre soutien au mouvement des Gilets Jaunes, au point d’en arborer vous-même un à l’Assemblée nationale. Vous considérez-vous comme le candidat des Gilets Jaunes ?

Je me suis effectivement paré de ce symbole dans l’hémicycle afin de montrer à mes concitoyens qu’ils n’étaient pas seuls et que je soutenais leur combat légitime. Je connais bien ce mouvement et une de ses particularités est sa volonté à ne pas vouloir de chef, de meneur central, encore moins par un homme politique.

Par conséquent, je ne suis pas le candidat des Gilets Jaunes, mais un de ceux qui les écoute et les défend. J’ai ainsi mis dans mon programme certaines de leurs revendications, telles que le referendum d’initiative citoyenne (RIC) ou la prise en compte du vote blanc.

Projetons-nous : le 24 Avril prochain, Jean Lassalle est élu président de la République française. Quelles seraient les deux mesures phares de votre mandat ?

La 1ere concerne la jeunesse et l’établissement d’un service national, civique ou militaire, d’un an, pour les jeunes âgés de 18 ans. Ceci afin de créer du lien entre eux, de leur transmettre certaines valeurs, afin de remettre un peu de Fraternité dans ce pays que je vois se déchirer de jour en jour. Ce serait également l’occasion pour certains d’acquérir une première expérience professionnelle ou bien de pouvoir passer leur permis.

La 2nde est la mise en place d’un plan pour relancer l’Agriculture en France : la base de toute civilisation étant son alimentation, on ne peut pas se permettre d’être économe sur ce sujet. Avec des vallées aussi fertiles et un tel savoir-faire, c’est une véritable gageure que de ne pas exploiter ces richesses à leurs pleins potentiels à cause d’un manque de moyen, de vision et d’ambition.

La 3e est sur la santé avec un réinvestissement massif dans le service public hospitalier, que l’on dépouille depuis plus de vingt ans et dont on a pu mesurer l’impact avec la pandémie de covid 19 : Moins de gestionnaires et plus de médecins, l’hôpital n’est pas une entreprise.

En 2017, l’un des grands axes de votre programme concernait “l’oppression financière”, selon vos dires. Cette oppression est-elle toujours d’actualité à vos yeux, et si oui, quelles solutions concrètes un gouvernement pourrait-il mettre en place contre ce problème ?

Il faut d’abord lutter fermement contre l’évasion fiscale. C’est un manque à gagner pour l’Etat qui permettrait d’investir cet argent afin financer plusieurs mesures que je propose.

Enfin dans le contexte actuel de montée des prix à la pompe, il faut immédiatement baisser la taxe sur les hydrocarbures de 20 à 5,5 %.

En concertation avec les patrons, dans les différentes branches professionnelles, le SMIC doit également être augmenté à 1 400 euros net.

Vous vous êtes toujours prononcé en faveur d’une école gratuite, laïque et obligatoire, que pensez-vous donc du modèle des grandes écoles et notamment celles de commerce qui sont souvent critiquées pour favoriser une certaine reproduction sociale du fait de leurs frais de scolarité très élevés ?

Les grandes écoles ne peuvent être remises en cause mais il faut en faciliter l’accès à tous et non pas seulement à des privilégiés. Sur le modèle de Sciences politiques qui a ouvert une autre voie de concours pour les élèves issus de lycées dans les REP et REP+, dit d’« éducation prioritaire ».

Puis en parallèle, ,nous devons créer plus de places dans le supérieur dans les secteurs demandés et les secteurs dit d’avenir.

Concernant l’environnement, on déplore depuis quelques semaines l’échec de la COP 26, alors que les prévisions des spécialistes sont de plus alarmantes. Vous président, votre quinquennat serait-il celui de l’écologie ?

Vous vous en doutez sûrement, j’aime la nature et la préserver est donc pour moi un devoir et j’accorde beaucoup d’importance au sujet de l’écologie. Pour cela, voici les grandes lignes de mon projet sur ce sujet.

Premièrement, en relançant le Recherche fondamentale et appliquée. Le budget pour la Recherche doit être augmenté. Il permettra de travailler à la recherche efficace sur les énergies renouvelables.

Deuxièmement, et en conséquence, accélérer la production d’énergies renouvelables : éolien, solaire, maritime. Partout où cela est nécessaire, en veillant à éviter toute nuisance pour les riverains : personne n’a envie d’avoir une éolienne de 100 mètres de haut dans son jardin.

Deuxièmement, et en complément du point précédent, investir également dans la production nucléaire : nous maîtrisons cette technologie, et tant que nous ne pouvons stocker durablement les énergies renouvelables intermittentes, nous avons besoin d’une solution peu polluante. D’autant plus que des horizons prometteurs s’ouvrent à nous avec la technologie de la fusion nucléaire, dont les déchets sont beaucoup moins nocifs que ceux produits par la méthode de fission actuellement utilisée dans nos réacteurs.

Comme vous le savez, KIP est le média des étudiants d’HEC Paris. Quel rôle peut jouer un élève de cette école dans le monde de demain ?

Intégrer HEC Paris c’est recevoir une formation sur des enjeux stratégiques tels que la gestion d’entreprise, macro-économie ou bien les affaires publiques. Tous ces sujets sont au cœur des rouages du monde dans lequel nous vivons, et y être sensibilisé prépare à des fonctions à haute responsabilité.

Les défis qui nous attendent sont nombreux. Elle s’appauvrit tout en s’enrichissant pour une minorité, dans une croissance insupportable des inégalités, enfin elle se meurtrit de par ses luttes fratricides. En sortant de cette école, vous aurez la possibilité d’impacter le monde de demain : faites en sorte qu’il soit meilleur et n’oubliez pas d’écouter votre coeur, celui-ci se révèle bon conseiller dans des temps où la tête ne sait plus quoi penser.

Illustré par Maxence Delespaul

Julien Vacherot

Julien Vacherot

Étudiant français en Master in Management à HEC Paris (Promotion 2024). Rédacteur en chef de KIP, interviewer et contributeur régulier.

French student in Master in Management at HEC Paris (Class of 2024). Chief Editor of KIP, interviewer and regular contributor.

Lucas Hommet

Lucas Hommet

Étudiant français en Master in Management à HEC Paris (Promotion 2024).
Responsable vidéo de KIP, interviewer et contributeur régulier.

French student in Master in Management at HEC Paris (Class of 2024).
Head of the video content of KIP, interviewer and regular contributor.

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Théotime Noël

Étudiant français en Master in Management à HEC Paris (Promotion 2025).
Trésorier de KIP, réalisateur de vidéo.

French student in Master in Management at HEC Paris (Class of 2025).
Treasurer of KIP, member of the video pole.