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Illustration réalisée par Julie Omri

Des primaires pas si primaires

Reconnaitre l’autorité naturelle d’un homme ou d’une femme et croire au mythe bonaparto-gaulliste ou bien donner le choix aux partisans de leur représentant, voilà les deux possibilités qui s’offrent encore une fois aux partis en préparation des élections présidentielles de 2022. L’expérience de 2017 a toutefois laissé des traces : outre les divisions profondes qu’elles ont avivées et les lacunes qu’elles ont révélées, les primaires ont abouti à la nomination des candidats les plus radicaux, incapables de rassembler au-delà de leur base électorale. Pire, ces derniers ont tous échoué à passer le premier tour des élections présidentielles pour laisser la place à des candidats nommés en interne, bénéficiant d’une véritable légitimité et du soutien de tout un parti. Pourtant, derrière toutes ces dissensions, les primaires restent une composante essentielle du débat d’idées, un formidable vecteur d’opinion, et surtout, un outil réformateur pour les partis. 

«Je suis candidat à l’élection présidentielle, je ne serai pas candidat à une primaire». Après avoir officialisé sa candidature au soir de sa victoire aux régionales, Xavier Bertrand a confirmé son refus de passer par la case traditionnelle des primaires. Inflexible, le président des Hauts-de-France a poussé le patron des Républicains, Christian Jacob, à un numéro d’acrobate : les militants voteront pour avoir ou non le droit de choisir leur représentant ! Il faut dire que la primaire a de quoi effrayer la droite : la confrontation de 2017 entre trois ténors de la politique française (Nicolas Sarkozy, Alain Juppé et François Fillon) a provoqué une certaine autodestruction du parti, rendu orphelin de ses principaux leaders. L’outil, quoique profondément ancré dans les mentalités, fait également peur à une gauche encore meurtrie par le fiasco de 2017, lorsque Benoît Hamon vit la quasi-totalité de ses anciens concurrents du PS préférer soutenir Emmanuel Macron dès le premier tour des élections.

Mais derrière ces refus et ces critiques se cache surtout une stratégie politique : écarter une primaire et se déclarer rapidement candidat, c’est faire peur aux rivaux hésitant encore à se présenter. Or, lorsqu’un candidat peine à se distinguer et à prendre le large dans les sondages, les primaires deviennent l’option la plus naturelle et surtout la plus légitime dans le cadre démocratique qu’est le nôtre. Pour les deux favoris des sondages Emmanuel Macron et Marine Le Pen, la question ne s’est évidemment pas posée. Mais pour des candidats en quête de visibilité, de certitude et de soutien, elle devient indispensable. Face à l’éclosion des candidats, les écologistes ont ainsi prévu d’organiser leur scrutin en septembre. Avec la candidature de Valérie Pécresse, sérieuse concurrente à Xavier Bertrand, la droite républicaine ne semble pas non plus pouvoir échapper à un scrutin si elle souhaite unifier ses voix et nommer un candidat légitime aux yeux des électeurs. Le débat est bien plus complexe à gauche mais aurait au moins l’avantage de pouvoir unir différents partis dont les cotes dans les sondages restent aujourd’hui trop faibles pour espérer l’emporter.

Ces primaires peuvent être créatrices d’idées pour des partis traditionnels aujourd’hui freinés par l’immobilisme et dépassés par le dynamisme de partis plus modernes. A une époque où l’écart entre la classe dirigeante et le reste de la population apparaît comme immense, elles doivent faire renaître le débat idéologique, en contraignant les candidats à élaborer leur propre programme, à s’écarter parfois du dogme du parti et à se confronter à des concurrents.  Elles doivent aussi permettre l’éclosion de nouveaux candidats, pouvant profiter de l’exposition des primaires pour sortir de l’ombre des ténors de leur parti. Dans un monde de pouvoir, de hiérarchie et d’individualisme, ces primaires sont l’occasion de remettre au goût du jour des notions d’échange, de débat et de collectif. Espérons qu’elles appellent à faire naître des propositions plutôt qu’à s’enfermer dans des positions.

Paul Berlemont

Paul Berlemont

Étudiant français en Master in Management à HEC Paris (Promotion 2024).
Vice-président de KIP, responsable du pôle podcast et contributeur régulier.

French student in Master in Management at HEC Paris (Class of 2024).
Vice-president of KIO, Head of the radio content and regular contributor.