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Renaud de Lesquen
Renaud de Lesquen, Président et CEO Americas de Dior

Renaud de Lesquen (Dior) : « Le luxe est d’abord un travail de terrain »

Après avoir passé 19 ans chez L’Oréal, Renaud de Lesquen est devenu Président & CEO Chine chez Dior. Depuis 2016, il est désormais CEO & President Americas de cette même maison de luxe, une des entreprises les plus importantes du secteur.
Lukas : Pour commencer, pouvez-vous nous parler quelque peu de votre parcours ?

Renaud de Lesquen : Après avoir fait l’ESCP, d’où je suis sorti en 1991, et après mon service militaire, je suis rentré dans la division luxe de L’Oréal où j’avais fait mon stage de 3e année, un stage que j’avais adoré. J’ai démarré une carrière dans le parfum et les cosmétiques, plus dans le domaine du marketing et du développement produit. J’ai ensuite passé 19 ans chez L’Oréal. À la fin de mon parcours dans l’entreprise, j’étais responsable de toutes les maisons de parfum du groupe : Saint Laurent, Armani, Margiela, Diesel, Cacharel etc. J’étais donc la personne de L’Oréal en relation avec toutes ces maisons de mode, avec lesquelles nous élaborions des projets. Cela m’a ensuite donné envie de voir ce qu’il y avait de l’autre côté, c’est pour cela que j’ai rejoint Dior et LVMH en 2012. J’y ai pris la responsabilité du développement de toutes les activités de Dior en Chine, ce qui inclut aussi bien les parfums et cosmétiques que la mode ou la joaillerie. J’ai fait cela pendant 4 ans puis je suis allé aux États-Unis pour faire la même chose. Je suis donc maintenant aux États-Unis depuis mars 2016.

Pendant votre carrière, avez-vous remarqué des différences culturelles importantes entre la France, la Chine et les États-Unis ?

C’est bien évidemment des pays qui ont des différences culturelles énormes, et où la définition du luxe et de la façon de le travailler et de manager les équipes ont des similarités mais bien évidemment des différences. C’est cela qui est intéressant.

Vous avez également travaillé au Japon. Alain Bernard (CEO et Président de Van Cleef & Arpels Americas) nous avait dit qu’il avait notamment remarqué une différence dans le rapport au temps entre les États-Unis et le Japon.

Les Américains sont très dans l’instant. C’est un peuple de commerçants, ils font du business et l’univers du luxe n’y échappe pas. Les Japonais ont une culture extrêmement développée et extrêmement raffinée, c’est pour moi la culture la plus élaborée au monde. Il s’agit d’une culture avec un niveau de raffinement inégalé. Il est vrai que le rapport au temps des Japonais est beaucoup plus dans la durée. Les relations professionnelles mettent du temps à se construire mais elles durent également bien plus longtemps. C’est donc évidemment très différent de la manière américaine de faire du business. Les Chinois en revanche sont de mon point de vue la culture la plus proche de la nôtre.

Vraiment ? Sur quels points ?

C’est une culture à la fois pragmatique mais dans laquelle il y a en même temps beaucoup d’affects. Les Chinois sont très attirés par le monde du luxe et par ce qu’il représente. Ils sont encore dans une recherche de statut, mais la frange la plus sophistiquée de cette clientèle a déjà dépassé cette première approche. Cette partie de la clientèle chinoise a vécu en 10 ans ce que le monde occidental du luxe a connu en près de 50 ans. Pour ce qui est des similarités avec la culture française, je trouve que c’est une population qui aime la gastronomie et qui est fière de sa culture. La Chine est également un pays avec une organisation très centralisée, tout comme la France. Par ailleurs, les relations interpersonnelles comme la famille y sont très importantes. J’ai trouvé qu’il était facile de travailler avec les Chinois.

Le marché américain a-t-il une place plus importante que les autres à cause de la place des États-Unis dans la culture mondiale ?

La culture américaine est certainement dominante mais elle a récemment été mise à mal. La Chine commence à prendre la main sur ce qui relève de l’entertainment. Il y a maintenant deux géants dans la culture mondiale, avec les États-Unis et la Chine qui représente un contre-pouvoir et qui joue un rôle de plus en plus important. J’ai pu le voir très rapidement lorsque j’étais en poste à Shanghai. Il y a un véritable rayonnement de la Chine sur toute l’Asie, et même sur des territoires plus éloignés. Je pense donc que les choses ne partent pas forcément des États-Unis.

Dans le monde dans lequel je suis, dans la maison Dior qui a pourtant une histoire ancrée dans l’art de vivre à la française et où toute la création est impulsée depuis Paris, je ressens nécessairement des influences provenant des États-Unis. Paris est néanmoins la ville qui donne clairement le ton à la mode mondiale. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que la fashion week de New York perd de son importance et que celle de Londres est moins brillante qu’elle ne l’a été par le passé. Il reste donc Milan et Paris, et la fashion week incontournable est celle de Paris. Il y a bien un retour à Paris dans le monde du luxe et de la mode qui est indéniable.

Les États-Unis représentent par leur taille pour beaucoup de maisons de luxe le marché le plus conséquent. En est-il de même pour Dior ?

Non. Par rapport à la puissance de la maison Dior dans le monde, l’Amérique du Nord représente une région d’opportunités. Nous avons encore une grosse part de marché à gagner. Bien sûr, ce n’est pas contradictoire avec ce que j’ai dit précédemment. Les États-Unis représentent le plus gros marché mondial du luxe car on y trouve le plus grand nombre de consommateurs. Il y a aux États-Unis beaucoup de concurrence ainsi que des maisons qui sont très bien établies, et ce dans toutes les catégories du luxe. Mais relativement à d’autres régions du monde, Dior a une part de marché beaucoup plus faible. À l’inverse de la Chine où nous sommes très dominants, nous pouvons vraiment gagner des parts de marché dans les années à venir.

On a l’impression que Dior est en train d’opérer un basculement dans son image, avec une orientation vers le streetwear. De Natalie Portman, on passe à A$AP Rocky. À quoi est due cette évolution ?

Je pense que le monde de la mode de haute qualité est en train d’évoluer. Depuis une dizaine d’années on observe une véritable émergence du streetwear, une émergence qui suit une tendance de fond.

Cette tendance impacte la façon dont les clients s’habillent. Nous sommes tous influencés à titre individuel et collectif par cet environnement. Par rapport à cela, Dior est une marque inscrite dans son histoire mais qui est aussi extrêmement relevant. Il s’agit d’une maison de mode qui vit avec l’esprit du moment et qui est capable d’évoluer.

Égéries Dior
Natalie Portman et A$AP Rocky, égéries de la marque © Dior
Mais n’y a-t-il pas un équilibre difficile à conserver ? Il y a certes une évolution vers le streetwear, mais d’un autre côté Jennifer Lawrence devient égérie du nouveau parfum Dior et donne une image glamour.

Mais ce côté glamour restera toujours. Avec les nouveaux moyens technologiques, nous avons en fait l’impression de vivre avec les stars d’Hollywood parce qu’on les suit sur Instagram, Facebook etc. Nous les voyons partout et vous voyez bien qu’ils sont comme nous : ils sont à la fois très hollywoodiens, glamours, « red carpet » quand le besoin s’en fait ressentir pour des représentations ou des rôles importants, mais dans la vie de tous les jours ils sont comme vous et moi. Cela ne les empêche pas de s’habiller en Dior ou en d’autres marques. Je pense donc que ce n’est pas contradictoire, ce sont deux facettes qui sont complémentaires.

En quoi observe-t-on des différences de goûts aux États-Unis en ce qui concerne la mode ? Comment s’adapter pour attirer les consommateurs ?

Les Américains sont clairement moins dans le formal. Une des raisons pour lesquelles la marque était très protégée et n’était pas aussi étendue sur le marché américain qu’elle ne pourrait l’être, est qu’elle était plus positionnée dans les special occasions que dans le daywear. Néanmoins, depuis que Maria Grazia Chiuri est arrivée il y a cinq saisons, elle a impulsé une nouvelle dynamique qui vise à habiller les femmes pour toutes les occasions. Le fil conducteur de la marque, la base non négociable, c’est la qualité, le craftsmanship. Cela implique donc par voie de conséquence un certain niveau de prix.

On dénote une concurrence particulièrement intense aux États-Unis, comment comptez-vous répondre à ce défi ?

Je trouve la concurrence plutôt stimulante. Il y a toujours une concurrence. Concernant les États-Unis, il s’agit d’un marché qui est très dynamique et très demandeur. Maria Grazia Chiuri a été extrêmement bien accueillie aux États-Unis. Depuis son passage chez Valentino elle a acquis une aura très forte auprès de la clientèle américaine, ce qui constitue un grand atout pour Dior. De plus, nous avons désormais Kim Jones qui a fait son premier défilé pour Dior homme, et qui a une façon de concevoir sa mode qui va très bien résonner chez la clientèle anglo-saxonne et américaine en particulier. Je pense que nous sommes très bien armés pour relever ce défi et le gagner. C’est donc très excitant et la question est de saisir les opportunités, d’avoir les bonnes équipes. À la fin de la journée, ce sont les gens qui font la différence, ce sont les employés dans les boutiques. Il s’agit d’une grande croyance du groupe LVMH et de Dior bien évidemment : le luxe est d’abord un travail de terrain, un travail de détail, de boutique par boutique, de relation individuelle au client. Cette relation est construite dans la durée, et elle est construite par nos équipes de vendeurs. Pour nous, la culture du retail est essentielle.

C’est une attitude que l’on retrouve dans d’autres groupes de luxe. Jean-Paul Agon lorsqu’il était Président de L’Oréal USA avait fait le tour de toutes les boutiques lors de ses premiers mois… Ça montre bien qu’on ne peut pas abandonner la partie magasins et se reposer sur son image de marque.

Surtout pas. Il faut avoir les deux niveaux de lecture. Il ne faut jamais se détacher du terrain. Il est fondamental de rester connecté avec la réalité de ce qui se passe sur le terrain et avec la façon dont les clients vous perçoivent. C’est une chose d’avoir de grandes idées, une grande stratégie, mais si vous ne vérifiez pas que ce que vous êtes en train de mettre en place est bien perçu de la même manière, cela peut poser un problème.

En termes d’image, vous êtes bien armés aux États-Unis, vous avez par exemple dans vos rangs des personnalités comme Bella Hadid qui sont très connues sur les réseaux sociaux.

C’est un autre point très important, vous avez raison de le mentionner, et cela fait aussi partie des tournants que nous avons pris au cours des deux dernières années : embrasser à notre manière la culture du social media. Nous avons bien sûr attaqué ce défi avec le plus d’exigences possibles, et en nous associant avec des ambassadrices et ambassadeurs qui sont pertinents pour notre maison et qui ont une certaine influence. Bella Hadid en est un très bon exemple et c’est une chance que Dior ait été la première maison à commencer à collaborer avec Bella pour finalement signer un contrat avec elle comme ambassadrice de notre maquillage. Il est vrai que grâce à cela, grâce à un certain nombre d’initiatives, nous avons bien pris ce tournant. En termes de présence sur les réseaux sociaux, nous sommes maintenant très bien situés.

Dans le groupe LVMH, notamment avec Louis Vuitton et Dior, on voit que la communication sur les réseaux sociaux est très maîtrisée, que ces marques ne tombent pas dans les travers de ces outils. Est-il difficile pour une marque de luxe d’utiliser les réseaux sociaux et de rester pertinente ?

Je pense qu’il y a toujours une voie. Évidemment, il faut faire les choses avec bon sens. La culture des millenials est différente de celle de la génération précédente, notamment sur la façon de percevoir cette recherche d’expérience, qu’elle soit réelle ou virtuelle. Il devient presque aussi important de communiquer virtuellement afin de faire partager cette expérience au plus grand nombre et de faire rêver, car faire rêver est notre raison d’être. Je pense que de ce point de vue là, les réseaux sociaux sont des nouveaux outils qui peuvent être une plateforme incroyable s’ils sont bien maitrisés. De plus, on assiste aujourd’hui à la naissance de très nombreuses innovations. Aujourd’hui sur Instagram vous pouvez voir des vidéos plein écran qu’il n’y avait pas avant et qui sont très pratiques. Par exemple, j’étais absent lors du premier défilé de Kim Jones à cause d’un empêchement pour les parfums Dior. J’étais obligé de rester aux États-Unis mais j’ai pu suivre le défilé en live grâce à cette nouvelle technologie sur Instagram, de manière très simple comme si j’y étais, et ce comme n’importe quel client du monde entier. C’est tout de même assez incroyable.

Vous êtes situés à New York, quels sont les autres centres les plus importants pour Dior aux États-Unis ?

Pour Dior comme pour toutes les maisons de luxe aux États-Unis, je dirais que New-York et la région Los Angeles/Beverly Hills sont les deux régions les plus importantes. Après cela, on trouve toutes les principales villes et communautés des États-Unis. Je vais certainement en oublier, mais il y a Miami, San Francisco, Washington, Dallas, Las Vegas est également un très gros marché, Hawaï…

Hawaï ?

Oui, la clientèle à Hawaï est un tiers chinoise, un tiers japonaise, et un tiers mainland US. Il s’agit d’un marché très particulier. Ce qui est très intéressant aux États-Unis, c’est qu’il y a autant de spécificités de marché que de villes. Il y a une très grande diversité.

N’est-il pas difficile de s’adapter à toutes ces spécificités ?

C’est cela que je trouve très intéressant. Quand vous entrez dans une maison comme nous, qui avons un positionnement très high end qui n’est pas accessible à tous et que vous ouvrez une boutique sur un nouveau marché, il faut pénétrer la communauté, rencontrer les gens, tisser des relations. Cela revient toujours à votre directeur de magasin (boutique director), et à vos équipes de ventes de tisser ces liens. Je parle là pour la mode, pas pour les parfums et cosmétiques. Le domaine des parfums et des cosmétiques est certainement plus uniformisé.

On trouve moins de spécificités dans le monde du parfum ?

La culture du parfum est maintenant très mondiale et est bien comprise et maîtrisée par le consommateur. On retrouve en revanche des spécificités très importantes dans le monde des cosmétiques : le skincare a un poids très important en Chine et au Japon, tandis qu’aux États-Unis il s’agit plutôt du maquillage. Tout cela est très lié à la pratique de rites de beauté historiques. Néanmoins, comme les populations sont de plus en plus mouvantes… Il est intéressant de remarquer que les États-Unis sont un pays qui a quelque peu condensé toutes les influences, puisque vous avez par exemple sur la côte Ouest beaucoup d’asiatiques qui ont des rites de beauté très influencés par leur culture, donc très portés sur le skincare.

Je trouve qu’il est difficile de se représenter le quotidien d’un PDG, encore plus dans une marque de luxe… Pouvez-vous nous décrire ce que serait une de vos journées-type ?

Je comprends, à votre âge j’étais incapable de me l’imaginer. Il n’y a pas vraiment de journée type. Je suis responsable de l’Amérique du Nord, donc des États-Unis et du Canada : de New-York à Hawaï et de Miami à Vancouver. Cela implique beaucoup de voyages. Ce qui est important est de connaître ses équipes, ses clients, de voir ce qui se passe. Je vais également dans beaucoup de boutiques rencontrer les gens. Il y a beaucoup d’évènements qui permettent de mieux connaître nos clients et de consolider ces relations. Toute l’organisation est impliquée là-dedans, et comme je pense qu’il faut mener par l’exemple, je le suis aussi.

Une autre facette de mon travail est liée à la coordination des relations de travail avec les équipes de création et le Head Office. Je passe donc beaucoup de temps ici (ndlr. à Paris). Avec le rythme d’une maison de mode comme Dior, on vit au rythme des saisons. Nous avons quatre saisons par an. Qui dit collections dit défilés, à New-York ou à Paris. En tout état de cause, cela implique beaucoup de temps ici à travailler avec les équipes, à acheter les collections, et à mettre en place tout le plan d’action que nous allons dérouler derrière. Je ne suis pas très souvent à New-York finalement, et quand j’y suis, une journée type est le lundi.

Le lundi est très important parce que c’est là que nous faisons le point avec tous les directeurs, que ce soit ceux des parfums ou de la mode. J’ai des conf calls avec chaque personne puis l’après-midi j’ai deux réunions : une avec l’équipe des parfums, et une avec l’équipe de la mode. Je fais cela pour faire le point sur la semaine précédente et sur la semaine à venir. C’est donc très opérationnel. Voilà comment je commence ma semaine.

Comme vous l’avez dit, le centre de création et de décision de la maison est situé à Paris. Quelles libertés avez-vous dans la mise en œuvre de la stratégie de l’entreprise en Amérique ?

Mon rôle est justement de faire le lien entre ce qui se passe sur mon périmètre et les équipes centrales. Je dois m’assurer que ce qui est développé par les équipes centrales va correspondre aux besoins spécifiques de la zone. Après cela, il leur incombe de faire les grands arbitrages sur tout ce qui est la direction de la création, parce qu’on ne peut pas répondre à tous les désidératas de chaque partie du monde. L’idée est que plus vous êtes en interaction avec ces équipes centrales, plus vous avez des chances de les influencer. C’est donc un travail d’influence, pour moi et pour mon comité de direction.

Quand on parle de l’Amérique du Nord, on oublie parfois le Canada. C’est un pays avec une culture très anglo-saxonne, mais y trouve-t-on également des spécificités ?

Il y a une spécificité, c’est que le Canada est un marché qui a beaucoup évolué sur les 5-10 dernières années. Il s’agit désormais d’un marché où la clientèle est essentiellement chinoise. Les Chinois sont en fait partis s’installer dans un certain nombre de pays du monde, soit pour les affaires soit pour les études de leurs enfants. Il est vrai que les études supérieures des jeunes Chinois se passent beaucoup à l’étranger, encore plus que pour les autres nationalités. Ils sont très présents dans toutes les grandes villes. Encore une fois, je vous parle de la frange de clientèle extrêmement fortunée qui est la nôtre pour la mode et la couture. Donc nécessairement, c’est très particulier. Ils sont au Canada, donc ils vivent dans cette culture anglo-saxonne mais ils sont essentiellement Chinois.

Vous avez été en poste en Chine, est-ce que vous attiriez la clientèle native chinoise et la diaspora chinoise de la même manière ?

Absolument. Les Chinois au Canada n’y sont pas présents depuis très longtemps. Ils sont donc toujours très imprégnés de leur culture et de leur façon de vivre. Comme je vous le disais, il y a beaucoup de ponts entre la culture française et la culture chinoise. C’est pour cela qu’ils sont si attirés par ce que représente la France, par notre art de vivre, et par les marques de luxe en particulier.

Instinctivement, on pourrait également penser au Japon en termes de culture rapprochée de la nôtre : une culture ancienne et raffinée.

Je pense que la culture japonaise est fondamentalement très différente de la culture française. Pour essayer de le dire de façon simple, j’ai vécu aux États-Unis deux fois, en Chine, au Japon et bien évidemment en France. La seule expérience où j’ai réellement eu le sentiment de vivre sur une autre planète, c’était au Japon où j’ai vécu trois ans. Cette culture est très différente, et cela excite notre curiosité, même si nous sommes maintenant tout de même plus sensibilisés à leur culture et aux erreurs à ne pas y commettre, par exemple. J’y ai vécu il y a 15 ans et ce n’était pas aussi ouvert qu’aujourd’hui. C’est une culture communautaire alors que nous sommes une culture individualiste. Cela implique beaucoup de comportements très différents, des comportements qu’il faut arriver à appréhender et à comprendre. Dans le monde du business, le management des équipes japonaises n’a rien à voir avec ce que l’on peut avoir en France. Les Chinois en revanche sont individualistes comme nous.

Ce ne sont donc pas que des clichés.

On a tendance à caricaturer quand on parle de ces différences culturelles, parce qu’on les condense en quelques phrases. C’est bien plus subtil que cela évidemment. Il ne faut jamais s’arrêter là. Si on peut le faire, il faut aller voir et s’en faire sa propre expérience, c’est très enrichissant. J’ai appris sur moi-même sans doute plus au Japon que n’importe où dans le monde. J’y ai appris beaucoup sur ce qui était utile pour moi, c’est à dire sur la culture du luxe, de la sophistication et du raffinement. On pense en France nous avons le summum du raffinement, nous sommes loin du compte.

Le domaine du luxe dégage une image très glamour. Vous qui y travaillez, votre quotidien est-il plus glamour ou au contraire plus corporate ?

Un peu des deux. Que ce soit chez L’Oréal ou chez LVMH, j’ai construit ma carrière de telle sorte à ce que je travaille dans de grands groupes français internationaux. D’une certaine manière, mon projet était de me faire l’ambassadeur à l’étranger de notre mode de vie et de notre culture, en m’appuyant sur des organismes et des structures extrêmement puissantes. L’Oréal et LVMH sont deux leaders dans leur domaine respectif, avec une véritable culture de la compétition, quelque chose qui m’a toujours stimulé. C’est toujours génial de faire partie d’un groupe précurseur, et chez LVMH il est très agréable de voir que les choses se construisent avec une vision sur le long terme. Nous y travaillons pour apporter du sens et de la valeur à ce que nous faisons. Dans chacune de nos actions, on nous demande d’avoir la recherche de l’excellence et de donner le meilleur de nous-même pour construire les choses sur le long terme. Il s’agit de valeurs que je peux observer chez Dior depuis plus de six ans. Je trouve cela incroyable, parce que ce que nous faisons n’est pas vain. Travailler dans un groupe comme celui-ci n’est pas que glamour, loin de là. Cela représente beaucoup de travail de fond, de behind the scenes pour faire en sorte que la façon dont la maison se présente soit la plus belle possible. Derrière une apparence effortless, on retrouve beaucoup de travail.

Vous avez beaucoup vécu à l’étranger, qu’en avez-vous tiré ?

J’ai toujours eu la chance de vivre par périodes à l’étranger puis en France. Cela fait 6 ans que nous sommes partis avec ma famille, et avant cela nous avions passé 8 ans à Paris. Ce qui est intéressant quand vous revenez de l’étranger, c’est que vous avez l’opportunité d’observer le meilleur des deux mondes, entre le pays où vous êtes installés professionnellement et votre pays d’origine, et d’apprécier ce que chaque pays a à vous offrir de mieux.

Et d’essayer de l’apporter ensuite ?

Il est certain que nous avons tous un rôle à jouer plus ou moins important. L’étranger vous donne une ouverture d’esprit car vous êtes confrontés à une diversité et à des différences que vous ne trouvez pas forcément dans votre pays d’origine. De ce fait, cela vous donne une forme de responsabilité vis-à-vis de vos amis, de votre cercle intime : vous devez leur montrer qu’il y a peut-être d’autres façons de réfléchir et de voir les choses qui ne sont pas plus bêtes, et qui rendent tout le monde plus intelligent.

Lukas Huberty

Lukas Huberty

Étudiant français en Master in Management (H2021) à HEC Paris.
Contributeur régulier.

French student in Master in Management (H2021) at HEC Paris.
Regular contributor.