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Les jeunes et la politique : entretien avec deux responsables engagés

Depuis maintes élections, la jeunesse est vilipendée pour son abstentionnisme. La constatation selon laquelle les trois quarts de la jeunesse de notre pays ne se rend pas aux urnes est en effet particulièrement inquiétante quant au futur de notre démocratie. Une jeunesse qui se désintéresse de la politique est le signe d’un manque cruel de vitalité démocratique. Comment, alors, redonner à la jeune génération goût et foi dans la vie politique ? Pour répondre à cette question, KIP vous propose le témoignage de responsables de la jeunesse politique de notre pays, en première ligne dans le front contre l’abstention. Yanis Zerguit est trésorier et vice-président du Think Tank Terra Nova Panthéon Sorbonne1Terra Nova est un association se définissant comme un “laboratoire d’idées”, créée en 2008 et classée au centre gauche. Le but de ce Think Tank progressiste est de “diffuser des solutions politiques innovantes en France et en Europe” (site internet). ; Guilhem Carayon, quant à lui, dirige depuis quelques mois le mouvement des Jeunes Républicains. 

La place de la jeunesse dans la politique française

Victor Pauvert : L’élection d’Emmanuel Macron en 2017, ainsi que le choix de ses ministres et collaborateurs, a profondément rajeuni l’image de l’exécutif : cette marque de fabrique résulte-t-elle selon vous d’une stratégie électoraliste ou d’un vrai projet de renouvellement des dirigeants politiques ?

Guilhem Carayon : Je considère que c’est une très bonne chose de faire émerger des jeunes sur des sujets qui intéressent les jeunes : sur des questions de premier emploi, des questions de pauvreté étudiante, des questions de sécurité – parce que l’insécurité touche principalement les jeunes -, sur des questions d’écologie. C’est évidemment primordial de faire émerger ces jeunes-là pour répondre à ces problématiques. En revanche, il ne faut pas non plus faire de jeunisme ; il ne faut pas remplir des quotas et mettre un jeune là où il faut alors même qu’il n’a pas les compétences. On revient toujours au principe de compétence. Il faut mettre un jeune parce qu’il est bon et parce qu’il a les meilleures solutions pour régler la question. C’est une bonne chose que Macron ait rajeuni le personnel politique. C’est une moins bonne chose, je considère, que Macron ait affaibli l’intellect du politique, dans le sens où ses parlementaires se contentent d’enregistrer la volonté présidentielle pensée depuis l’Élysée : on n’a pas un parlement qui, aujourd’hui, fait office de contrepouvoir. On n’a pas aujourd’hui de politiques qui ont une vision pour la France, qui ont un cap, qui ont un horizon. […]2Une partie de la réponse de Guilhem Carayon a été tronquée par la rédaction pour des raisons de cohérence et de concision du propos du responsable des Jeunes Républicains.Donc je considère que oui, c’est une bonne chose que l’on ait des jeunes qui soient investis en politique. En revanche, ce qui m’intéresse avant tout, ce n’est pas l’âge des responsables politiques, mais la vision qu’ils ont pour le pays et les solutions qu’ils ont pour redresser le pays.

Yanis Zerguit : Je pense que le président Macron se fondait sur l’image véhiculée durant toute la campagne, à savoir d’être un président jeune, et le président des jeunes. Donc, à mon avis, il s’agissait vraiment d’une stratégie électorale. Néanmoins, cela a apporté un petit coup de vent, un vent assez frais sur la politique, même si ce sont principalement des « jeunes vieux » [qui sont rentrés au gouvernement, ndlr]. Maintenant, il est bon de vouloir amener des jeunes en politique, mais quels jeunes ? Et d’où viennent-ils ? C’est ce qu’il faut voir. 

V.P. : En tant que responsables de la jeunesse politique de votre pays, pensez-vous avoir de l’influence quant aux programmes politiques des candidats que vous soutenez ?

Y.Z. : En tant que Yanis Zerguit, je ne pense pas avoir une influence directe sur les programmes de la gauche. Néanmoins, avec une action collective, concrète, de l’ensemble des équipes de Terra Nova Paris-I, et de Terra Nova Jeunes en général, consortium de plus de cent cinquante personnes, en nous efforçant de produire des idées, d’interroger des professionnels, technocrates et politiciens, nous essayons de produire les idées politiques de demain et d’apporter aux différents partis politiques de gauche de nouvelles façons de penser le pays et de soutenir la politique de gauche. Justement, actuellement, nous sommes en train de monter plusieurs notes avec la commission Relations internationales sur les relations entre la France et l’ancienne « Françafrique » – au sujet, notamment, de la restitution d’œuvres culturelles au Bénin -, et je suis également en train de monter une note3Une note, dans le jargon de l’association Terra Nova, constitue un texte synthétique qui pose des faits et propose des solutions politiques pour un sujet donné. sur la prostitution étudiante pour mettre en avant la précarité étudiante et pour montrer jusqu’où certains étudiants sont prêts à aller pour vivre. Nous essayons aussi d’impulser une réforme du Crous, fragilisé et fragmenté en ce moment, remplacé par des selfs, touché par une augmentation des prix, qui devient véritablement une entreprise. Donc, à l’échelle étudiante dans un premier temps, puis à une échelle réellement nationale, je pense qu’avec l’ensemble de Terra Nova Jeunes, nous pouvons proposer des idées aux différents partis politiques et aux candidats. 

G.C. : Très honnêtement, les jeunes LR il y a 2, 3, 4, 5 ans, servaient uniquement à faire du militantisme, c’est-à-dire à aller coller des affiches, aller distribuer les tracts sur des marchés. Parce qu’on envoyait les jeunes, c’est ceux qui ont le courage de le faire, c’est ceux qui ont le temps, c’est ceux qui acceptent sans se faire payer parce que la politique, c’est du bénévolat ; l’engagement politique, l’engagement militant, c’est ceux qui acceptent de le faire sans broncher. Et typiquement, moi, je me souviens de réunions militantes où l’on me disait « ah super merci les jeunes, on vous fait confiance, bravo ! ah et pour les prochaines élections, on vous mettra sur la liste », et finalement, il n’y avait aucun jeune sur les listes ; il n’y avait aucun jeune qui avait la possibilité d’être élu. C’était assez frustrant parce que les jeunes ont aussi envie de participer aux décisions politiques et de faire entendre leur voix. Aujourd’hui, ça a complètement changé, grâce à une chose : la hausse du nombre d’adhésions qu’on a enregistrées. On est passé de 1500 jeunes à 13 500 en un peu moins d’un an ce qui nous a permis de peser dans notre parti. C’est-à-dire qu’on représente maintenant 10% des Républicains, et donc, sur un tas de propositions de LR, on a droit au chapitre. On a réussi à faire passer l’exonération des charges pendant 3 ans pour l’emploi d’un jeune, ce qui est une mesure qui permettra d’essayer de résorber le chômage des jeunes, qui est monumental. On a fait passer des propositions sur les questions d’insécurité. Moi c’est un sujet que je trouve primordial parce que, la personne avec qui j’ai débattu [Yanis Zerguit, ndlr] disait « c’est un peu un fantasme alimenté par les médias ». Moi, je n’y crois pas ; je crois qu’il y’a une vraie insécurité dans le pays : il y’a une augmentation des coups et blessures volontaires depuis 2017 de plus de 23%. Il y a une violence gratuite toutes les 44 secondes et, en fait, ce qui est dramatique, c’est que les gens qui vivent le plus cette insécurité, ce sont les pauvres gens. Parce que ce sont eux qui habitent dans les quartiers populaires dans lesquels il y’a du communautarisme qui mène souvent à la violence. Et donc nous avons fait des propositions dans ce sens ; nous considérons qu’il y a un lien entre l’immigration incontrôlée et l’augmentation de la délinquance dans le pays. On considère que le fait qu’il y ait 23% des prisonniers qui soient des étrangers, c’est absolument inacceptable. Moi je suis pour le rétablissement de la double peine, proposition qu’on avait formulée aussi avec les Jeunes Républicains, c’est-à-dire expulser ces étrangers, ces gens qui sont des clandestins et qui sont en prison. Pour moi, ils n’ont rien à faire dans le pays. La double peine a été instaurée dans énormément de pays européens, elle devrait l’être aussi en France ; elle avait été mise en place par Sarkozy et ensuite abrogée sous Hollande. Je suis pour son rétablissement. Je considère qu’aujourd’hui, ce n’est pas normal qu’il y ait une insécurité aussi forte. Donc oui, ça nous permet de peser sur les idées, et puis, maintenant, on organise plein d’autres choses, on n’est pas que dans le militantisme. On a une école de formation qui va être créée au cours du mois de décembre, qui permettra de former au militantisme et surtout de former intellectuellement les jeunes pour qu’ils se forgent une vraie conscience politique et qu’ils deviennent des citoyens plus engagés, qu’ils sachent ce pour quoi ils se battent. C’est bien de se dire de droite, de savoir qu’on est de droite parce qu’on a lu Raymond Aron, parce qu’on a lu tel auteur, parce que ça nous permet vraiment de fortifier notre engagement. Et ça pour moi, c’est primordial.

Pauline Haritinian : La candidature d’Eric Zemmour a été en grande partie lancée par les actions du mouvement de jeunesse Génération Z : est-ce le signe que la jeunesse conserve une place capitale dans l’échiquier politique français ?

G.C. : Je pense que les jeunes sont de plus en plus représentés, et de plus en plus visibles, même dans les médias. Je suis devenu président des jeunes LR très récemment, et je suis invité très souvent dans les médias : je fais cinq à six médias par semaine. Il y a dix ans, quand je regardais les médias, je ne voyais aucun jeune. Et Génération Z, c’est le paroxysme de ce phénomène parce qu’il y a assez peu de représentants de Zemmour dans les médias et, pour le coup, ils sont tous jeunes donc les jeunes sont surexposés par les médias chez Zemmour en tout cas. Donc ça, c’est une très bonne chose. Pour eux comme pour l’engagement des jeunes en général, parce que ça montre que, quand on est jeune, qu’on a des convictions fortes, on peut être écouté au même titre que quelqu’un qui a une expérience en politique depuis 40 ans. Je pense que parfois, les jeunes ont des idées un peu plus rafraîchissantes et arrivent à renouveler un peu le paysage politique, à se battre avec des convictions qui sont plus libres. J’ai vu tellement de nos aînés qui avaient des convictions mais qui les cachaient un peu, qui parlaient avec une langue de bois, qui n’arrivaient pas à dire exactement ce qu’ils pensaient, et je trouvais ça dommage parce que je considère que la situation du pays est grave et donc, parfois, il y’a besoin de convictions un peu radicales. Il faut taper du poing sur la table, et il faut arriver à incarner ces convictions-là. Et les jeunes sont meilleurs, peut-être, pour le faire parce qu’ils se sentent plus libres dans leur engagement.

Y.Z. : La jeunesse a une place prépondérante dans tous les échiquiers politiques. C’est elle qui impulse un minimum d’énergie, qui se mobilise et qui va sur le terrain, qui essaie concrètement d’y convaincre les gens. Néanmoins, je pense que cette jeunesse est une « jeunesse du 18-25 », une jeunesse qui a été politisée sur les réseaux sociaux, et qui n’a pas forcément de repères politiques concrets. Faute d’être écoutée, elle souhaite faire une rupture conséquente, qui se traduit par le soutien à la candidature d’Éric Zemmour, ou par un soutien à Marine Le Pen, notamment à la dernière campagne : cette partie de la jeunesse se dit qu’on n’a jamais essayé l’alternative de l’extrême droite. C’est un « pourquoi pas ? » dangereux. Certes, la jeunesse est, par son dynamisme, demandeuse de changement. Mais la question est de savoir où ce changement peut se traduire. Si c’est à l’extrême droite, dans le fascisme, c’est non à mon sens. Mais, à mon sens, la jeunesse est le terreau de l’ambition politique française. 

Le défaut d’engagement politique de la jeunesse

P.H. : Lors des dernières élections régionales, en 2021, a été relevé un taux d’abstention de 87% chez les 18-24 ans : ce chiffre vous rend-il inquiets quant au futur de notre démocratie ? Comment l’expliquer selon vous ?

Y.Z. : Oui, je suis inquiet par le manque d’engagement des jeunes. Je suis engagé depuis un bon moment, et j’ai du mal à me mettre à la place de certains, qui sont révoltés par certaines choses, mais n’agissent pas, et laissent faire. Ils ne se mobilisent ni contre les choses qui les révoltent, ni pour les idéaux qui les animent. Cela me fait peur et me met dans une position d’incompréhension qui me force à essayer de me mettre à leur place. J’ai réussi à comprendre de plus en plus leur position. Il y a un « mode hors-champ » et un « mode dans le champ ». « Hors-champ », c’est lorsque l’on n’est absolument pas politisé – ce qui arrive souvent pour les jeunes des quartiers populaires, que ce soit en banlieue ou en province, qui n’ont pas cette chance d’avoir été politisés et qui n’arrivent pas à avoir les codes pour rentrer en politique. Et il y a à l’inverse les jeunes « dans le champ », mais qui refusent de s’engager, parce qu’ils s’opposent, par exemple avec un vote blanc non-comptabilisé. D’autres essaient de changer le champ politique en s’engageant pour Éric Zemmour, ou encore s’engagent dans l’associatif, les ONG, ce qui constitue un entre-deux. Il y a donc une réelle volonté de s’engager qui perdure, mais pas dans une politique au sens professionnel du terme : au lieu de voter pour un candidat, on choisit une politique plus « athénienne », dans un engagement pour la vie de la cité. 

G.C. : Inquiétant, oui, ça l’est. Le fait que les jeunes n’aillent pas voter est inquiétant parce que la politique, c’est la meilleure façon de faire changer les choses pour moi. Même si, évidemment, il y a d’autres façons de faire de la politique : faire de la politique dans la rue, aller manifester… Mais, pour moi, ça ne vaut pas du tout un vote. Un vote, c’est ce qui permet de faire changer les choses très concrètement. Et, oui, ça traduit une chose : c’est que les jeunes aujourd’hui ne supportent plus la politique politicienne. Ils croient que les partis sont des structures dépassées et l’élection d’Emmanuel Macron a été encore une illustration de ça. Il promettait d’incarner un nouveau monde et de dépasser le clivage partisan, de créer un mouvement plus qu’un parti politique. Moi, je trouve que les partis politiques sont primordiaux, et sont consubstantiels à la démocratie. En revanche, il faut les changer parce qu’aujourd’hui il n’y a plus de débat d’idées dans les partis politiques ; aujourd’hui, les partis politiques n’arrivent plus à exprimer des idées, à bosser sur des idées et ce sont en gros des structures qui ont souvent comme unique but d’enregistrer des adhésions et de ne pas bosser réellement sur le fond. Moi, ce qui m’intéresse, c’est que les partis produisent du contenu, arrivent à trouver des solutions. Typiquement, la droite a été battue en 2017 et je me réjouis d’une chose, c’est que, chez LR, on a vraiment bossé sur le fond et maintenant, on a un vrai projet de société, de rupture par rapport à Emmanuel Macron, mais aussi de transformation de la société, de révolution de la société, et ça, c’est très important parce que, si les partis politiques se contentent juste d’aller tracter et défendre des idées en campagne, ça n’a aucun intérêt. Et ça je pense que c’est un des principaux reproches que font les jeunes aux partis politiques. Mais, encore une fois, je pense que les jeunes ont une aspiration forte pour la politique. Ils aiment la Politique avec un grand P. Ils aiment débattre d’idées. Ils aiment écouter des débats. Le débat Zemmour-Mélenchon d’il y’a quelques semaines ou quelques mois, a été écouté par énormément de jeunes ; il y a énormément de jeunes qui en parlaient le lendemain à l’université. Moi je le voyais, et ça intéresse les jeunes. En revanche, il y a beaucoup de jeunes qui n’iront pas forcément voter après ce débat-là. Ce qu’il faut, c’est que les partis, en tout cas c’est mon but en étant aux Républicains, arrivent à donner une espérance aux gens et à leur montrer qu’on est capables de trouver des traductions complètes à leur désespoir ou à leur inquiétude.

Un rôle clé dans la présidentielle de 2022 ?

P.H. : L’utilisation des nouvelles technologies, notamment des réseaux sociaux ou des hologrammes à la Jean-Luc Mélenchon, est-elle efficace pour susciter l’intérêt de la jeunesse ? N’est-ce pas une solution un peu trop « facile » ?

G.C. : Il y a les hologrammes ; il y a plein de tentatives des politiques pour essayer de captiver l’attention des jeunes : aller sur TikTok, aller sur Instagram, YouTube. Il y a beaucoup de politiques qui ont créé une chaîne YouTube. Moi je considère que c’est bien la communication pour diffuser nos idées, diffuser un bilan, dire ce qu’on a fait, expliquer ce qu’on a fait, mais l’important, en gros les neuf dixièmes du boulot, c’est de produire une proposition, trouver des solutions pour résoudre un problème, et un dixième, c’est communiquer. Ce que je reproche à Macron, c’est d’avoir communiqué les neuf dixièmes du temps et, un dixième du temps, d’avoir un peu agi. On ne peut pas faire que de la communication : je préfère l’action à la communication à outrance.

Y.Z. : Il est très facile d’y penser : tout le monde y pense. La solution reste néanmoins efficace. La majorité des jeunes entre 18 et 30 ans, voire des adolescents, sont massivement actifs sur les réseaux sociaux. On le remarque avec les différentes images de profil qui changent de couleur en fonction des différents combats que l’on mène et des idéaux auxquels on adhère. Je pense que c’est une bonne manière d’attirer les gens. Mais il faut les fidéliser par la suite. Attirer les jeunes, leur montrer les combats menés avec les différents partis politiques et ce qu’ils peuvent changer, puis, par la suite, transformer cet intérêt porté sur les réseaux sociaux en intérêt concret. Rester sur les réseaux sociaux peut être concret – en partageant une page, en essayant de convaincre les gens, en prenant part à des débats parfois très profonds, par exemple sur Twitter – mais il faut muer cette énergie en déplacements concrets, physiques : il faut réussir à aller militer sur le terrain, à débattre dans des organisations politisées pour tenter de convaincre. Reste à voir pour quels idéaux.  

V.P. : Les manifestations de 2019 pour le climat ont montré que l’engagement de la jeunesse n’était pas mort : pensez-vous que les questions écologiques sont les seuls thèmes aptes à mobiliser la jeune génération ?

Y.Z. : Non, je ne pense pas. La question écologique fédère les jeunes en général, mais tout dépend, encore une fois, de quels jeunes l’on parle. Par exemple, les jeunes des quartiers populaires ne sont pas aussi intéressés par les questions écologiques, alors que ce sont paradoxalement les premiers écolos, vu qu’ils n’ont pas les moyens de partir au ski en hiver et à Bali en été. L’écologie ne fédère pas tous les jeunes. Néanmoins, on a l’impression que la cause écologique est partagée, appréciée par les jeunes de toutes les strates de la société. Je le vois également avec mes amis de Garges-lès-Gonesse, qui ont conscience que ces questions sont centrales. Mais il n’y a pas que ces questions : il ne faut pas négliger le combat pour l’antiracisme, les luttes contre les inégalités en général, pour la mise en place d’un féminisme réel dans les faits. Ces questions touchent tous les jeunes, qu’ils soient de gauche, d’extrême gauche, du centre, et de droite. Peut-être pas à l’extrême droite, vu les discours d’Éric Zemmour. Mais il est clair que même la droite rejoint les causes féministes et antiracistes, et des jeunes de droites se battent pour ces causes, sans être qualifiés de « wokes », du moins je l’espère. 

G.C. : Les enjeux écologiques mobilisent la jeunesse, c’est un fait. Mais il n’y a pas que ça. Il y a les questions d’emploi des jeunes, de chômage, d’insertion professionnelle, d’éducation, d’enseignement supérieur… On a parlé tout à l’heure des idéologies woke [encore une fois, lors du débat avec Yanis Zerguit, ndlr], et je pense que c’est un sujet qui intéresse les jeunes. Il y en a qui ferment les yeux sur ces théories parce que, finalement, ils sont aussi des complices de ces théories ; ils sont contents qu’elles soient diffusées parce qu’elles expriment une vision de la société telle qu’ils la souhaitent. Moi, je considère que c’est important que l’on parle de tous les sujets qui intéressent les jeunes, et ça fait partie des sujets qui les intéressent. La question de la sécurité, toutes ces questions-là, il faut qu’on en débatte, il faut qu’on trouve des solutions pour résoudre les fractures. Je crois qu’il y a beaucoup de fractures dans le pays et le but des politiques, c’est de résoudre les fractures : fracture sociale, fracture géographique, fracture identitaire, fracture culturelle. Le but du politique, c’est de les résoudre, de faire en sorte qu’il y ait un pays uni. Une nation indivisible, c’est le premier article de la constitution, donc ça doit être le but de la politique de retrouver cette idée-là.

P.H. : Enfin, question plus personnelle, quel candidat pourrait être, selon vous, le candidat de la jeunesse en 2022 ? 

G.C. : Alors, moi je vais être très chiant : je n’ai pas encore de candidat [l’entretien ayant été réalisé en novembre 2021, le nom du vainqueur de la primaire de la droite n’était pas connu, ndlr]. Je soutiendrai le candidat qui gagnera le 4 décembre le congrès de LR. On organise une forme de primaire interne qui s’appelle un congrès, il y a 5 candidats, Philippe Juvin, un peu moins connu, Eric Ciotti, député des Alpes-Maritimes, Michel Barnier, qui a été le négociateur en chef du Brexit, et ministre sous Chirac ; il y aussi Valérie Pécresse et Xavier Bertrand qui sont tous les deux présidents de région. Et moi, je me suis engagé à rester neutre dans le processus de désignation parce que j’ai été élu en avril et il y a des jeunes dans mon mouvement qui soutiennent l’un ou l’autre de ces candidats. J’aurais un peu l’impression de trahir leur confiance si, juste après avoir été élu, je soutenais un candidat. Ils auraient un peu l’impression d’avoir élu un représentant qui leur tient un guet-apens et qui va après s’engouffrer là-dedans (sic). Donc, par respect pour eux, je n’ai pas choisi de candidat. En revanche, je serai à fond derrière le candidat du 4 décembre. Et, en réalité, les 5 candidats ont à peu près la même vision de la France : une droite républicaine, forte, qui rompt avec le macronisme et qui, en même temps, propose des solutions contrairement aux projets de société qu’ont Éric Zemmour et Marine Le Pen.

Y.Z. : Question très difficile puisque je ne supporte réellement aucun candidat. Chez chacun d’entre eux, certaines idées me plaisent et d’autres beaucoup moins. C’est vrai qu’en 2017, je soutenais Benoît Hamon, car j’étais séduit par l’idée du revenu universel, même si je pensais que sa politique extérieure était très faible. Mais, cette année, si je devais supporter un seul candidat ou une seule candidate, en tout cas sur ce qu’il ou elle avance pour les jeunes, je pense que ce serait Jean-Luc Mélenchon, même si j’ai du mal avec sa personnalité. Au fond, ce serait plus La France Insoumise que Jean-Luc Mélenchon personnellement. Avec l’Union Populaire et les référents des quartiers et des villes, ce parti a essayé de laisser énormément de place à la jeunesse pour le représenter dans les différentes zones géographiques. C’est une mesure qui me plait réellement : c’est de la vraie politique, sur le terrain, du concret que l’on fait progressivement remonter. Les jeunes ont la possibilité de gravir les échelons dans le parti, et c’est ce qui m’intéresse. Le programme politique écologiste de Yannick Jadot est également intéressant, même si l’écologie a plus ou moins été annihilée par Yannick Jadot récemment, ce qui me tourne vers La France Insoumise, plus que vers Jean-Luc Mélenchon en personne.

Illustration par Maxence Delespaul

Pauline Haritinian

Pauline Haritinian

Étudiante française en Master in Management à HEC Paris (Promotion 2024). Double diplôme avec l'ISAE Supaero. Membre de KIP, réalisatrice de vidéo et intervieweuse.

French student in Master in Management at HEC Paris (Class of 2024).
Member of KIP, member of the video pole and interviewer.

Victor Pauvert

Victor Pauvert

Étudiant français en Master in Management à HEC Paris (Promotion 2025).
Vice-président et rédacteur en chef de KIP, interviewer et contributeur régulier.

French student in Master in Management at HEC Paris (Class of 2025).
KIP's vice-president and editor-in-chief, interviewer and regular contributor.