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Elle est où la Gauche, elle est où?

La Gauche dans les sondages autour de la prochaine élection présidentielle actuellement, c’est comme le bonheur dans une chanson de Christophe Maé : on en parle beaucoup mais finalement c’est assez difficile à trouver. Le lecteur saura m’excuser cette référence aussi douteuse que facile, mais je dois avouer que je n’en suis pas peu fier tant elle représente bien la situation actuelle. Quand en ajoutant les scores de tous les candidats résolument ancrés « à gauche », on arrive à un score de 27% qui diminue de sondage en sondage, on peut être réellement inquiets pour ce qui il y a peu représentait encore face à la droite une des deux forces majeures du clivage politique qui agitait notre pays. En l’espace de 10 ans et de deux quinquennats, on est passé d’une Gauche au pouvoir à une Gauche pour qui le défi en abordant la présidentielle n’est plus de la gagner ni même d’arriver au second tour, mais bien de se faire rembourser sa campagne. Au milieu de ce marasme, une seule question prime : peut-on encore sauver le soldat gauche ?

De l’abordage au sabordage il n’y a qu’un pas, demandez donc au PS

A l’âge où les vocations politiques naissent, j’ai appris en Août dernier que deux de mes amis, de surcroît anciens rédacteurs chevronnés de ce média, avaient fait le choix de s’engager en tant que soutiens de certains candidats à la prochaine présidentielle. Le premier, fervent supporter d’Anne Hidalgo, affichait un air supérieur en parlant au second qui soutenait un candidat à la primaire écologiste, car à l’époque encore le parti des Verts semblait l’éternel petit frère du PS. En voyant depuis l’évolution cataclysmique de la candidate socialiste dans les sondages (3% ça ne fait ni plus ni moins que 1% par lancement de campagne, mais le temps manque pour en faire 18, seuil requis selon les derniers sondages pour aller au second tour), ce souvenir prend une saveur toute particulière et somme toute assez cocasse dans mon esprit.

Pour revenir à l’origine de ce désastre annoncé, il faut nous en retourner en 2011, date à laquelle un Parti Socialiste au fait de sa puissance envoyait son candidat François Hollande à l’Élysée. Pour la première fois depuis 19951Date de fin du second mandat de François Mitterrand à l’Élysée, la Gauche délogeait la Droite de la présidence de la République. Des jours radieux semblaient s’offrir à elle.

Et c’est là que le PS commet le péché originel d’où découle une grande partie de ses maux actuels : la division interne. Certes François Hollande est loin d’avoir été le dirigeant idéal et le plus facile à gérer pour son parti. Mais lorsqu’on arrive à un niveau de division tel que certains ministres hauts-placés doivent être exclus du gouvernement, qu’un groupe de députés socialistes décide de mettre en danger à l’assemblée  la majorité de leur parti, on peut se dire que Benoît Hamon, Arnaud Montebourg et les autres frondeurs2Groupe de députés socialistes dissidents créé en 2013 du dimanche ne sont ni plus ni moins que les premiers responsables  de la décrépitude de leur camp politique (tout ça pour finir avec un piteux score de 6% en 2017 dans le cas de Benoît Hamon ou annoncer une « remontada »3Malheureusement tristement véridique quant au terme utilisé… qui devrait s’achever autour de 2% en 2022 dans celui d’Arnaud Montebourg, comme quoi n’est pas le FC Barcelone qui veut). N’oublions pas également la responsabilité dans l’affaire de Manuel Valls, souvent sous le feu des critiques concernant cette période. Quand François Hollande, président en exercice, doit se résigner à ne pas être candidat à sa réélection, c’est l’onde de choc finale qui porte un coup fatal à l’une des deux puissances traditionnelles de la politique française.

Alors oui, le militant socialiste a aujourd’hui une cible de choix : le président actuel Emmanuel Macron. Certes il faut concéder que le protégé de François Hollande qui lui avait offert sur un plateau Bercy a planté un couteau dans le dos de ses anciens alliés et leur a nécessairement « volé » en 2017 une partie de leur électorat. Pour autant, si celui-ci a réussi à aller puiser aussi loin dans le réservoir socialiste, c’est aussi parce qu’un certain nombre de ces électeurs, désabusés, se sont demandés à un moment si l’herbe ne pouvait pas être plus verte ailleurs… ce qui était jadis la principale force politique de gauche a réussi finalement en cinq ans d’autodestruction à être dépassé par l’extrême gauche avec les insoumis en 2017 et semble bien être parti pour voir également le parti écologiste lui passer devant à la prochaine élection. Personne ne semble avoir les épaules depuis la fin du quinquennat de Hollande pour redresser la barre et malgré toute sa bonne volonté (croyez-moi, parole de parisien, devoir utiliser cette expression pour parler de cette personne fait mal), Anne Hidalgo a toutes les peines du monde à endiguer le long déclin de son parti…

Parlons peu parlons bien : quelqu’un y croit-il encore au milieu de ce marasme ?

La question est volontairement provocatrice mais possède néanmoins un fond de vérité certain : on a déjà passé en revue le cas du PS, mais quel autre parti de Gauche peut sérieusement imaginer son poulain arriver au pouvoir le 24 Avril prochain ? 

Les écologistes ont un moment semblé pouvoir décemment nourrir de tels espoirs. Ils ont notamment connu une remarquable percée aux élections européennes de 2019, finissant troisième force politique à l’échelle nationale, puis aux élections municipales de 2020. Néanmoins, Yannick Jadot, désigné candidat pour les Verts à l’issue de la primaire écologiste, peine à faire décoller sa campagne, stagnant à 7% des intentions de vote. Si les scores des présidentielles précédentes seront sans doute largement battus4Les écologistes n’étaient pas présents à l’élection présidentielle en 2017, ayant choisi de participer à la primaire socialiste, Eva Joly avait obtenu 2,31% des suffrages exprimés en 2012, Dominique Voynet 1,57% en 2007, Noël Mamère 5,25% en 2002. et que les Verts peuvent même sérieusement envisager d’être la principale force politique à gauche tant ils talonnent La France Insoumise de Jean Luc Mélenchon dans les sondages, le second tour semble bien loin. L’écologie semble maintenant être un thème payant à un niveau local mais toujours insuffisant pour les transformer en parti crédible de gouvernement.

Et si finalement la République c’était lui ? Jean-Luc Mélenchon est pour la troisième fois5Après 2012 et 2017 candidat à la présidence de la république. Celui qui avait fini quatrième en mobilisant derrière lui plus de sept millions de Français en 2017 semble toutefois en nette perte de vitesse et reste bien loin de ses résultats des élections précédentes6Il avait réuni 11,10% des suffrages exprimés en 2012 et 19,58% en 2017. Son programme quasiment inchangé au cours des cinq dernières années, les scandales qui l’ont touché de plein fouet, la perte d’une partie de ses soutiens7Le Parti communiste a notamment décidé de faire cette fois cavalier seul contrairement à 2017 et de présenter son propre candidat : Fabien Roussel. semblent avoir eu raison des probabilités succès du candidat Mélenchon.

Quant au reste des candidats déclarés de gauche (à l’heure actuelle Nathalie Arthaud, Philippe Poutou, Fabien Roussel, Arnaud Montebourg), aucun ne dépasse 2% des intentions de votes8Toujours selon le même sondage Harris Interactive et ils semblent plus destinés à faire de la figuration à la prochaine élection, voir même à tirer une balle dans le pied dans la gauche en accentuant la division des voix (déjà plus tellement nombreuses) entre les différents candidats, phénomène qui pourrait encore augmenter si les nouvelles voix qui s’élèvent en s’auto-désignant homme providentiel à quelques mois des élections telle que récemment Christiane Taubira décidaient d’officialiser leur candidature.

Quel espoir pour la gauche ?

Alors maintenant que faire ? Se dire de gauche en France va-t-il devenir l’équivalent de supporter Saint-Étienne au foot, une longue et douloureuse descente aux enfers que rien ne semble stopper ? Tout d’abord il convient d’éliminer tout de suite une hypothèse qu’une certaine candidate socialiste a sorti de son chapeau un beau soir de décembre : une primaire populaire visant à désigner un candidat unique derrière lequel se regrouperaient toutes les forces de Gauche9Anne Hidalgo proposa cette idée au 20h de TF1 le 10 Décembre 2021. Il est déjà bien trop tard pour organiser une telle primaire qui nécessiterait une campagne d’au moins un mois avant de pouvoir passer à un vote afin de donner aux candidats le temps de débattre, se présenter et de confronter leurs idées. De plus, une primaire n’a de sens que si elle regroupe des candidats ayant un socle de valeurs communes comme chez les Verts en septembre ou chez les Républicains il y a quelques semaines10Il ne s’agissait pas à proprement parler d’une primaire mais d’un congrès où n’étaient invités à voter que les militants LR. Le spectre des idées à gauche est bien plus large et ne permettrait pas de cumuler les forces quel que soit le gagnant de la primaire. Si certains candidats comme les duos Hidalgo-Montebourg ou encore Mélenchon-Roussel pourraient se rapprocher, une union de la gauche semble impossible. Arrêtons de même d’imaginer un ralliement de tous à une candidature unique sans primaire : les idées et les égos sont trop opposés et aucun candidat ne se dégage suffisamment dans les sondages pour que cela arrive.

Alors que la défaite leur semble promise, que peuvent donc espérer les candidats de gauche de cette élection présidentielle ? Une première réponse à cette question est sans doute qu’il s’agit pour eux du meilleur moyen de débuter un redressement de leurs partis et de préparer l’avenir. Certes les chances de voir l’un d’entre eux victorieux en Avril prochain sont quasi nulles, pour autant, mener une belle campagne en proposant dans leurs programmes respectifs des mesures courageuses permettraient de regagner des forces en prévision des échéances suivantes. Certes les élections présidentielles sont un temps majeur de la vie politique française, mais d’autres moments forts arriveront peu après et en premier lieu les élections législatives dès Juin 2022. Cessons de voir les élections présidentielles toujours comme une fin, alors qu’elles peuvent aussi être une rampe de lancement (ou de relance) fantastique pour des familles politiques en perte de vitesse. Une présidentielle réussie pour les différents candidats de gauche ne dépendra pas forcément d’un score élevé en termes de pourcentage de voix, mais peut-être plus d’un réalignement de ceux-ci avec leurs valeurs, leur électorat et leurs alliés.

Finalement, il faut poser une dernière question qui là encore je le sais ne va pas m’aider à me faire des amis : quel est le seul candidat à même de défendre les idées de gauche pour les cinq prochaines années en tant que président de la République ? N’en déplaise à tous ses détracteurs, il ne s’agit ni plus ni moins que de l’occupant actuel du palais de l’Élysée. Si Emmanuel Macron n’est évidemment plus le jeune ministre membre d’un gouvernement socialiste qu’il était lorsqu’il a commencé à être connu du grand public en 2014 et a d’ailleurs construit toute son image politique lors de sa campagne victorieuse de 2017 sur le fait que qu’il était à la fois de droite et de gauche (son mandat nous l’a d’ailleurs suffisamment prouvé), il n’en reste pas moins qu’il est aujourd’hui le candidat le plus proche des idées de ses anciens alliés A moins que certains ici m’affirment qu’ils estiment qu’il en est plus éloigné qu’une Valérie Pécresse, qu’un Éric Zemmour ou qu’une Marine Le Pen, ce constat semble tomber sous le sens. A voir si les militants sauront le moment venu mettre leur égo et leurs rancœurs de côté pour défendre au mieux leurs idées…

Julien Vacherot

Julien Vacherot

Étudiant français en Master in Management à HEC Paris (Promotion 2024). Rédacteur en chef de KIP, interviewer et contributeur régulier.

French student in Master in Management at HEC Paris (Class of 2024). Chief Editor of KIP, interviewer and regular contributor.