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Illustration par Kim Provent pour KIP.

Est-ce égocentrique de penser à soi ?

Cette chronique résulte d’un défi personnel : écrire un article qui ne parle pas, de près ou de loin, du Covid. Un article qui nous veut du bien en somme, à vous comme à moi, loin de ce matraquage anxiogène qui inonde tous les supports de communication. Mon entreprise est déjà un échec, me direz-vous : je viens de gaspiller mes trois premières lignes à palabrer sur une chose que j’espérais soigneusement éviter. Je me permets de poser mon joker sur la table et de démarrer mon défi, officiellement et dans les règles, à la ligne qui suit.

De quoi bien pouvoir parler donc ? Des meurtres perpétrés le mois précédent et qui ont suscité une vague d’émotions amplifiée par un goût prononcé – et disons-le, mauvais – pour le sensationnalisme ? Ou alors d’élections présidentielles qui, si elles ne concernaient pas la première puissance mondiale passeraient aussi inaperçues que le Lego qui traîne sur le sol jusqu’à ce qu’on marche dessus sans ses chaussures. Dans tous les cas, un constat s’impose : trop de négativité.

Tout simplement, le sujet de ce papier c’est vous. Oui, vous ! C’est moi ( … « c’est nous quoi ! » merci Patrick). Ne fuyez pas. Les concepts philosophiques du conscient et de la subjectivité ont trop longtemps hanté mes années de prépa pour que je ne vous impose le même sort. Quant aux études psychologiques en la matière, je risquerais d’écorcher quelques concepts non maîtrisés et m’attirer ainsi l’ire des grands chercheurs neuropsychiatres de la Ivy League qui consulteraient cet article. Je pars d’un constat évident : les humains sont des êtres sociables, mais ils expérimentent aujourd’hui une crise de l’amour. Les sites de rencontres douteux se multiplient, les contacts deviennent de plus en plus restreints jusqu’à atteindre ce que j’appelle le stade du « contact sans contact ». On en arrive même à croire que quelques lignes suffiront à refléter notre vrai moi et à attirer les plus gros prédat-…. pardon, loveurs, paradoxalement en manque d’amour pour en faire des princes charmants. À la réception du premier message, comment réagir ? Si ma description indique : aime le voyage, la découverte et l’inattendu, vais-je tomber sur un globe-trotteur aguerri qui assouvira mes désirs vagabonds ? Vais-je me faire kidnapper par un type qui aura pris ma naïve description un peu trop au pied de la lettre ?  La méfiance est de mise, ou dans tous les cas, devrait l’être.

Vous comprendrez que je ne valide pas ce genre de démarche de rencontre artificielle et virtuelle (les mauvais diront que c’est pour ça que je suis toujours seule). Mais ce cas a le mérite de mettre au jour le véritable problème de notre génération de sapiens. On cherche à attirer un regard extérieur pour compenser celui qu’on devrait porter sur nous-même. « Qui suis-je ? » : n’est-ce pas une question plus difficile à traiter que la résolution d’une équation du quatrième degré à 7 inconnues dans un espace vectoriel de complexes ? S’aimer ne s’apprend pas. Cela ne se codifie pas. Les tentatives asiatiques d’auto-mariages1Pratique qui se répand dans les pays développés, et consiste pour une personne à se marier avec elle-même. ne remplaceront jamais la spontanéité d’un véritable amour propre. Une ou deux alliances ne pourront jamais combler le vide de la négligence personnelle. Je parle bien de négligence. Il n’est pas égocentrique de penser à soi et de prendre soin de sa propre vie. Tout comme refuser de manger de la viande ne fera pas de vous un vegan extrémiste se nourrissant exclusivement de racines.

Maintenant, la source du problème identifiée et analysée, vous trépignez d’impatience à l’idée de connaître le commandement ultime qui fera de vous la meilleure version de vous-même : la vraie. Je sais bien que ma réputation de coach en développement personnel me précède (vous n’êtes pas tenus de croire tout ce que je raconte ici). Mais non. Je ne vais pas y aller par quatre chemins : s’aimer n’est donné à personne. Il est cependant difficile d’aimer une autre personne tant qu’on n’a pas expérimenté la chose sur soi. Je vais tout de même tenter de procurer quelques conseils dont la pertinence logique ne vous aura pas échappé : recentrez vos préoccupations sur votre bien-être sans chercher à vous justifier auprès de vous et des autres. Effacez d’un revers de la main les regards en coin, continuez votre route et tracez votre chemin.

Je pense avoir relevé mon défi. J’ai écarté avec grand soin toute négativité – même si les trois quarts de cet article ont été consacrés à pester contre les plateformes de rencontres. Je n’ai pas eu l’hubris de replacer l’homme au centre du monde. J’ai tenté néanmoins de replacer le moi où il doit être et où il doit demeurer. J’espère avoir inondé votre écran d’une vague de positivité, avoir décroché deux, trois sourires aux plus intransigeants. Mais comme je m’aime, ou plutôt que j’essaie de m’aimer, je me contenterais de dire qu’à moi, au moins, ça m’a fait du bien.

En d’autres termes et pour vulgariser mon propos : n’écoutez pas les envieux. Pour aimer il faut s’aimer, et pour s’aimer… il faut s’aimer.

Charlotte Joyeux

Charlotte Joyeux

Étudiante française en Master in Management à HEC Paris (Promotion 2023).
Membre de KIP et contributrice régulière.

French student in Master in Management at HEC Paris (Class of 2023).
Member of KIP and regular contributor.

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