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Illustration de Radja Kahoul pour KIP.

Chronique d’un règne : François le Mal-aimé

À Patrick Rambaud.

« Je laisse un pays, la France, dans un état bien meilleur que celui que j’ai trouvé »[1]. Ce sont les mots qu’adressa notre illustre altesse François le Mou à ses ultimes fidèles modestement rassemblés le 14 mai 2017 sur le parvis du moribond Parti Socialiste. Notre glorieuse majesté venait d’abdiquer en faveur de Monseigneur le Dauphin, Emmanuel le Magnifique, clôturant ainsi un bref règne socialiste qui ne dura que cinq années, un règne marqué par la défiance farouche dont faisait preuve le peuple de France à son égard. L’impopularité de notre sensationnel souverain était telle que son renoncement au trône fut accueilli avec soulagement et joie dans toutes les villes du Royaume. « Le roi est mort, vive le roi ! » scandait-on ici ou ailleurs. Indignes calomnies. Notre monarque François le Mal-aimé, héritier maladroit du roi François le Sournois, n’était ni plus sot, ni plus inepte que ceux qui l’ont précédé au Palais royal de l’Élysée. Il était même diablement plus brillant qu’eux. Laissez-moi, Lecteur, le temps de vous en apporter la preuve.

Celui qui était jadis marquis de Tulle en avait fait la promesse : lui, roi, il serait un « souverain normal ». Manqué. Jamais nous n’avions vu pareille tête couronnée. Affublé de surnoms tordants tels « Guimauve le Conquérant », « le capitaine de pédalo », « Pépère » et le désormais célèbre « Flanby », notre gaffeur monarque perdit promptement sa majesté et son sacré. Dépeint sous les traits d’un grossier plaisantin propulsé par hasard dans les appartements royaux de la rue du Faubourg-Saint-Honoré, François le Maladroit, Monsieur Gauche, se ridiculisait chaque jour davantage, dégradant irrémissiblement son image. Avec sa cravate de travers et ses manches trop longues, le bon roi François cultivait son allure débraillée. Il déambulait d’une démarche grotesque. Il chutait. Lorsqu’il accéda au trône de France, il souhaitait désacraliser la fonction royale. C’était réussi. Notre facétieuse majesté était devenue un roi banal, un homme aussi commun que ses sujets. Son intimité était contée sur la place publique. Nous n’avons manqué aucun épisode de ses intrigues amoureuses, de la répudiation de la comtesse d’Anjou, Valérie de Trierweiler, la Concubine[2], à ses scabreuses escapades avec la Baronne de Suresnes, Julie de Gayet, la Favorite[3], en passant par les soubresauts de sa relation avec la Duchesse du Poitou, Madame Royal. Malgré la présence attendrissante de toutes ces courtisanes, François le Petit se sentait désespérément seul dans un palace trop grand pour lui. Comble du désespoir : les défections des flatteurs d’hier s’ajoutaient à la solitude de l’exercice du pouvoir. Les jours passaient, les notables désertaient. Les Frondeurs, sous la houlette des Messieurs 6 % et Made in France, Benoît de Hamon et Arnaud de Montebourg, le fougueux baron d’Amiens, Emmanuel de Macron, le surintendant des Finances, Jérôme de Cahuzac… Tous l’ont déshonoré et trahi.

Des adversaires, vous l’aurez compris, François le Solitaire en avait tout un tas. Il comptait pourtant dans ses rangs un allié précieux. Cet allié, c’était le monde la finance. Peut-être étiez-vous assez candide pour croire au discours-programme grandiloquent qu’il prononça au Bourget le 22 janvier 2012. Il n’était en fait qu’un modeste leurre, une vulgaire stratégie politicienne pour courtiser quelques jacobins. François l’Indécis, disciple du Duc d’Europe de Lors, était un social-libéral-démocrate assumé, à la fois de droite et de gauche, ou ni de droite ni de gauche. Qu’attendiez-vous ? Il y a belle lurette que les nobles du PS n’ont de socialiste que leur nom. Le fait est connu : ils ne sont plus que des pseudos-socialistes. François l’Avare, en panne d’inspiration, nous gratifia d’une navrante austérité économique calquée sur celle de ses grandioses devanciers Valéry l’Instruit, François le Sournois, Jacques le Bien-aimé et Nicolas le Fastueux. Les caisses du Royaume vides, il cessa de pourvoir aux besoins d’une cour devenue prodigue et fainéante. L’Europe toute entière applaudit. Les notables grondèrent. Pour les attendrir, notre altesse attentive, en brisant vigoureusement le Code du Travail, leur conféra le droit de disposer librement de leurs roturiers. Sacrebleu, qu’ils sont paresseux ces gueux ! Qu’ils se mettent à l’œuvre ! Ne croyez-pas que François le Pingre s’arrêta en si bon chemin. Renouant avec les thèses mercantilistes du bras-droit de son brillant aïeul le Roi-Soleil, Jean-Baptiste Colbert, il s’efforça de juguler l’explosion du déficit commercial royal. Notre majesté parcimonieuse entrava le décrochage du Royaume de France et rassembla les conditions nécessaires à son redécollage.

Sur la scène internationale, François le Mal-aimé se fit humble. Exit les campagnes militaires éclatantes et les annexions prodigieuses. Européen sans grande conviction, il ne parvint pas à concrétiser l’extraordinaire rapprochement franco-prussien initié par son prédécesseur Nicolas le Teuton. Il faut dire qu’il n’exprimait pas une grande affection envers son homologue prussienne, la Kaiserin Angela. Le temps de la lune de miel du couple « Merkozy » était incontestablement révolu, emporté par les dissensions portant sur les migrants et le traitement à adopter quant au Royaume de Grèce. Depuis la guerre de Six Ans, jamais le divorce n’avait été aussi prononcé entre Paris et Berlin. Ailleurs dans le monde, François IV misa sur une doctrine originale qui rompit avec les standards royaux. Au Moyen-Orient, le Vicomte du Grand-Quevilly Laurent de Fabius s’efforça de combler le vide laissé par les États-Unis d’Amérique. Soucieux de l’estime qu’on lui portait outre-Atlantique, il accéléra le retour de la France dans les instances du commandement intégré de l’OTAN et poursuivit les réformes initiées par Nicolas Ier l’Américain. Il fit partout héroïquement la guerre. Il condamna fermement le roi de Damas Bachar le Barbare et son fidèle allié slave le Tsar Vladimir l’Impérieux. Le tout sans grand résultat. Au contraire, son interventionnisme aventureux se heurta à la recrudescence des attentats dans le domaine royal, carnages invraisemblables qui eurent raison de la vie de deux cents quarante innocents Français. Au Royaume de l’État d’urgence, le Comte de Cherbourg, Bernard de Cazeneuve, dépassé, impuissant, ne put empêcher ces massacres. Sur le Continent noir enfin, le Duc de Bretagne, Jean-Yves le Drian, exalta le réalisme politique. Éminent chef de guerre au Soudan français et en Oubangui-Chari, il se fit libérateur de Tombouctou. Devenu l’ami des empereurs Déby, Kabila et Nguesso, il maintint le prestige de la France en Afrique. Grâce à lui, l’honneur de la France de l’autre côté de la Méditerranée est sauf.

 Aussi, François l’Incapable entérina-t-il la décret préparée par la gouverneure de Guyane Christiane de Taubira qui ouvrit les noces aux personnes de même sexe ainsi que l’édit de Paris sur le climat. Nous autres, sujets des monarques de France, devons nous incliner. Notre molle altesse n’était pas un roi fainéant. Cinq années durant, François IV s’employa promptement pour faire du Royaume de France une terre meilleure. Il n’y parvint pas entièrement mais mit du cœur à l’ouvrage. Pourtant, un soir de décembre de l’an de grâce 2016, esseulé, éreinté, attristé, adossé contre la chaise de son cabinet de travail à l’Élysée, il comprit. Le peuple de France, partial, le répudiait. La mort dans l’âme, il s’en alla abdiquer. Devant les caméras, l’air sombre et maussade, le regard fixant le spectateur, il confia : « aujourd’hui, je suis conscient des risques que ferait courir une démarche, la mienne, qui ne rassemblerait pas largement autour d’elle. Aussi j’ai décidé de renoncer au trône du Royaume de France »[4]. François IV cessa d’être monarque. Au moins pouvait-il se satisfaire d’avoir toujours la tête sur les épaules, contrairement à son aïeul Louis XVI, le roi martyr qui subit les foudres de la population parisienne. Un nouveau règne débuta, le règne de celui qui se mit en marche, l’innocent Emmanuel le Magnifique. Nul ne sait quand il s’achèvera. 

Sources et renvois

[1] Déclaration de François HOLLANDE au siège du Parti Socialiste, 14 mai 2017.

[2] Valérie TRIERWEILER, Merci pour ce moment, Les Arènes, 2014.

[3] « L’amour secret du Président », Closer, 23 janvier 2014. Qui ne se souvient pas de cette photographie de François Hollande qui a défrayé la chronique ? Casqué, il s’apprêtait à rejoindre en scooter sa dulcinée Julie Gayet, qui résidait alors à quelques encablures de l’Élysée, rue du Cirque.

[4] Déclaration du Président Hollande aux Français, 1erdécembre 2016 : « aujourd’hui, je suis conscient des risques que ferait courir une démarche, la mienne, qui ne rassemblerait pas largement autour d’elle. Aussi j’ai décidé de ne pas être candidat à l’élection présidentielle »

Maxence Martin

Maxence Martin

Étudiant français en Master in Management à HEC Paris (Promotion 2022).
Rédacteur en chef de KIP (2019-2020)

French student in Master in Management at HEC Paris (Class of 2022).
Chief Editor of KIP (2019-2020)