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Illustration par Martin Terrien pour KIP.

Les médecines alternatives : arnaque ou vrai remède ?

Les médecines alternatives… Vaste sujet ô combien controversé, elles constituent pourtant une échappatoire certaine aux problèmes auxquels est confronté le système de santé français à l’heure actuelle. Certes, il convient de se méfier des arnaques, malheureusement fréquentes dans le domaine. Cependant, lorsqu’elles sont utilisées en complément des médecines traditionnelles, auxquelles nous avons – trop – souvent recours, les médecines douces permettent de guérir de multiples maux, qui ne résolvent pas à coups d’ibuprofène ou d’aspirine.

Médecines alternatives : attention aux arnaques !

Avant toute chose, il convient de rappeler que l’usage des médecines alternatives doit être raisonné : il existe encore trop d’arnaques, qui malheureusement décrédibilisent les bienfaits des médecines douces. En effet, dans le Guide pratique de lithothérapie1aux éditions Trédaniel, on trouve de nombreuses absurdités : « arrêter de fumer en une heure », « soigner la maladie de Parkinson ou d’Alzheimer », « une pierre qui aide à traiter le sida » … Autant d’aberrations qui contribuent à nuire à leur image. La lithothérapie, popularisée dans les années 1970 et dont les prétendus mérites sont aujourd’hui vantés par des célébrités comme Adèle, connaît un essor plus que contestable : en 2012, une femme atteinte d’un cancer, qui avait catégoriquement refusé d’avoir recours aux traitements des médecines modernes, a déboursé près de 5000€ pour s’acheter un lit en cristal, convaincue de guérir… Elle est décédée. Une étude publiée par des chercheurs de l’Université de Yale dans le Journal of the National Cancer Institute2https://academic.oup.com/jnci/article/110/1/121/4064136?searchresult=1 appuie ce triste constat : selon l’étude, dans le cas de cancers fréquents (sein, poumon, prostate, colorectal), le risque de mourir chez des patients n’ayant recours qu’à des médecines alternatives est plus de deux fois supérieur au risque de mourir chez les patients se soignant grâce aux médecines conventionnelles (chimiothérapie, rayons…). Il s’agit donc de faire preuve de prudence : en France, beaucoup de pseudo-praticiens surfent sur la tendance montante des médecines alternatives, alors qu’ils n’ont aucune formation ni habilitation pour exercer, et profitent de la vulnérabilité des personnes souffrantes. Bien que la prudence soit encore de rigueur, les médecines douces ont un vrai potentiel, et sont une solution à de nombreux maux que la médecine traditionnelle ne parvient pas à traiter.

Une tendance montante en France, et pour cause…

Même si les médecines alternatives ne sont pas des absolus, elles ont de réels bienfaits lorsqu’elles sont utilisées en complément de la médecine moderne, pour traiter des maladies chroniques et des maladies liées au stress. Les Français l’ont fort heureusement compris, puisqu’ils ont de plus en plus recours aux MAC (Médecines Alternatives et Complémentaires) : hypnose pour arrêter de fumer, sophrologie pour la gestion du stress et les insomnies, cours de yoga en vogue… Selon un sondage réalisé par Odoxa, 68% des Français sont convaincus des bienfaits des MAC3http://www.odoxa.fr/sondage/homeopathie-autres-medecines-alternatives-complementaires-patients-medecins-a-front-renverse/.

Un tel succès est légitime et justifié. Tout d’abord, parce qu’on assiste aujourd’hui à une réelle déshumanisation de la médecine moderne, qui perçoit de nos jours le malade comme un puzzle d’organes à traiter séparément, alors qu’aujourd’hui, les maladies sont de plus en plus liées au stress ou au mode de vie : il s’agit donc de considérer chaque patient comme un tout, afin d’établir des diagnostics pertinents. Ce traitement déshumanisé est peu aidé par le fait qu’un médecin ne passe en moyenne que seize petites minutes par consultation, sans parler de la récente mise en place de téléconsultations chez de nombreux généralistes. C’est donc – à juste titre – plus d’humanité, d’écoute et de compréhension que les patients recherchent dans les médecines alternatives, qui traitent le patient dans sa globalité, alliant le plus souvent le corps et l’esprit. Parmi ces médecines, ce sont les méthodes de relaxation – sophrologie, yoga, hypnose – qui ont le plus de succès, car leurs bienfaits dans la gestion du stress ont été prouvés scientifiquement. Ce succès des médecines douces est aussi dû à la méfiance croissante des Français vis-à-vis des médicaments: selon une étude réalisée par l’institut Gallup en 2018, un Français sur trois n’a pas confiance en la vaccination.

Les MAC déjà adoptées dans de nombreux pays : des précurseurs ?

En dépit de cet engouement croissant, la France est l’un des pays les plus en retard en ce qui concerne les médecines alternatives… D’autres pays ont compris depuis bien longtemps qu’en alliant médecine traditionnelle et médecine alternative, on démultiplie l’efficacité du système de santé. En Chine, la réputation des médecines douces n’est plus à faire, puisque les médicaments naturels représentent 38,5% du marché pharmaceutique, un chiffre en augmentation de 15% depuis 20114Selon un article du Cairn, publié par Jean-Louis Durand-Drouhin : https://www.cairn.info/revue-les-tribunes-de-la-sante1-2011-1-page-87.htm. La médecine alternative y est dispensée dans 3000 hôpitaux spécialisés, dans des cabinets médicaux à la fois en ville et à la campagne, alors qu’en France, soit dit en passant, la problématique du désert médical en zone rurale est de plus en plus préoccupante. Et l’État chinois ne compte pas s’arrêter là, puisqu’il veut donner davantage de crédibilité à ces médecines, et renforcer la complémentarité entre les différentes pratiques médicales en favorisant le travail commun des professionnels de santé. À mon sens, cet alliage entre MAC et médecine moderne est en bonne partie responsable de l’augmentation de l’espérance de vie en Chine : en 2019, l’espérance de vie moyenne était de 77,3 ans, soit une augmentation de 0,96 an par rapport à 2015. 

Par ailleurs, nos voisins allemands ont saisi beaucoup plus vite que nous les bienfaits des MAC : dès la fin du 19ème siècle, la Lebensreform, un mouvement de réforme en Allemagne et en Suisse prônant un retour à la nature, contribue activement à la diffusion des médecines alternatives en Allemagne, et crédibilise des médecines telles que l’homéopathie ou la naturopathie. C’est donc dès 1920 que ces pratiques, assorties à l’essor de nouveaux régimes alimentaires tels que le véganisme, se diffusent, rencontrant un public important.  

La France a donc un triste retard en la matière : près d’un siècle par rapport à l’Allemagne, et plusieurs millénaires par rapport à la Chine…

Encore un long chemin à parcourir en France, à la traîne

Malgré un engouement croissant des Français pour les médecines douces, il me semble que la petite révolution du système de santé actuel ne soit  pas prête d’arriver. Malheureusement, le rêve d’une véritable médecine inclusive, basée sur la complémentarité entre médecines conventionnelles et non-conventionnelles est encore loin d’advenir. Selon Serge Rafal5https://sante.lefigaro.fr/article/les-hopitaux-s-ouvrent-aux-soins-non-conventionnels, un soignant en faveur de l’introduction des médecines alternatives dans le système de santé français : « Les médecines non conventionnelles sont marginales à l’hôpital, les pouvoirs publics font semblant de s’y intéresser pour répondre en apparence aux attentes des patients ». Ces médecines ne sont en fait pas en adéquation avec les objectifs du domaine de la santé actuel : c’est une logique de profit qui prône dans les entreprises pharmaceutiques, et les hôpitaux fonctionnent encore trop selon des modèles technocratiques.  On comprend donc dans ces conditions  pourquoi la mise en place de consultations de sophrologie ou d’homéopathie, durant entre 45 minutes et 1 heure, n’est pas une priorité à l’heure actuelle.  

De plus, les autorités académiques et administratives du pays sont très conservatrices vis-à-vis de la question, et donc tristement indifférentes  aux bienfaits que les MAC apportent : dans un des derniers rapports de l’Agence nationale de sécurité du médicament sur la prise en charge des douleurs de l’adulte, aucune référence n’est faite aux soins non conventionnels, alors que la douleur est la première cause de recours à ces traitements.

Il reste selon moi un long chemin à parcourir concernant l’inclusion des MAC dans notre système de santé. Pourtant, étant donné les temps actuels difficiles par lesquels nous passons, démocratiser ces pratiques relève presque de l’évidence : attentats terroristes, coronavirus

, confinement, isolement, stress… sont d’autant plus de facteurs incitant à cette démocratisation, surtout chez les étudiants. Réalisée lors du premier confinement, l’enquête « Confins » tient des résultats révélateurs et inquiétants : 27 % des étudiants se déclarent tristes, déprimés ou désespérés, « plus de la moitié du temps voire tous les jours », contre 16 % chez les non-étudiants ; 27 % se déclarent « en permanence inquiets, de façon excessive », contre 16 % pour les non-étudiants. Terminons cet article sur une note d’espoir : dans une tribune au monde, Patrice Couzigou, Professeur émérite de médecine, affirme que « L’avenir est à la médecine des comportements et à la relation soignante », car le 21ème siècle est le siècle des maladies chroniques, liées au tabac, à l’alcool, à la malnutrition : le médecin devra donc de plus en plus adopter des approches non-médicamenteuses. Espérons que cet appel soit le premier d’une longue série !

Sources :

  • Durand-Drouhin Jean-Louis, « La santé en Chine », Les Tribunes de la santé, 2011/1 (n°30), p. 87-112.
  • “Les médecines alternatives en Allemagne”, Allemagne d’aujourd’hui, 2019/3 (N° 229)
  • Tribune de Patrice Couzigou, « L’avenir est à la médecine des comportements et à la relation soignante », Le Monde, 28 novembre 2019
  • « La France, championne des anti-vaccins ! », article du Point, publié le 19/06/2019
  • « Médecine alternative, pourquoi un tel succès ? », blog Médecine Alternative
  • « Lithothérapie : la grande arnaque des pierres « guérisseuses » », Le Figaro Santé, 25/11/2019
  • « Les hôpitaux s’ouvrent aux soins non conventionnels », Le Figaro Santé, 28/07/2017
  • « Les autres médecines qui marchent », Le Point, 14/10/2010
  • « La médecine naturelle, une vogue qui se confirme », L’Express, 31/02/2010

Joséphine Van Eecke

Joséphine Van Eecke

Étudiante française en Master in Management à HEC Paris (Promotion 2024). Membre de KIP et contributrice régulière.

French student in Master in Management at HEC Paris (Class of 2024). Member of KIP and regular contributor.