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Les grands entretiens – Sacha Houlié, président de la commission des Lois de l’Assemblée nationale

Héritier du projet présidentielles mené en 2022, KIP lance une nouvelle série d’interviews, Les grands entretiens. Notre objectif : obtenir des témoignages variés de tous types de personnalités, de tous parcours et de toutes opinions. Monsieur Sacha Houlié, président “Renaissance” de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, s’est, le premier, prêté à cet exercice.

I/ La commission des Lois et l’Assemblée nationale : questions institutionnelles 

Quel est le rôle de la commission des Lois que vous présidez ? Le pléonasme dans la nomenclature de cette commission ne rend-il pas son champ d’action peu clair pour les Français ?

Ce qu’il faut comprendre c’est que dès que les droits et les libertés des Français sont concernés, de près ou de loin, nous sommes compétents pour intervenir ! Cela peut donc concerner l’organisation de la vie politique et publique, la sécurité, la justice, etc. Plus de la moitié des lois examinées à l’Assemblée nationale le sont d’abord dans notre commission. Ce sont des sujets très concrets qui peuvent aller aussi bien à la question de la sécurité dans les stades, qu’aux conditions de mise en œuvre du pass sanitaire lors de la crise Covid par exemple. 

Je comprends qu’aujourd’hui ce soit encore très opaque et peu intelligible pour les Français. Je crois que c’est d’ailleurs le cas de manière générale pour ce qu’il se passe dans toutes les commissions, pas uniquement la commission des Lois. C’est pour cela que nous devons faire preuve de pédagogie, que nous devons rendre plus compte de notre action, en transparence, et que nous devons nous efforcer d’ouvrir les portes de l’Assemblée, qui n’appartient qu’au peuple. Tout cela est un vrai défi ! C’est quelque chose que nous faisons, et que la Présidente de l’Assemblée nationale a particulièrement à cœur de faire.

Quelle est la journée-type d’un président de commission ? En quoi diffère-t-elle de celle d’un “simple” député ?

Il n’y a pas de journée-type ! A chaque jour son lot de surprises, selon l’actualité législative. Evidemment, en ce moment nous passons beaucoup de temps dans l’hémicycle : de 9h le matin à 3h… le matin, parfois. Sur cela, ajoutez des rendez-vous à l’heure du petit déjeuner, du déjeuner et du diner. Ce sont des rendez-vous variés : presse, collègues députés, ministères, administrations, entreprises, associations et j’en passe !

Ce qui change réellement avec la présidence de la commission des Lois, c’est que j’accorde beaucoup plus de temps à la préparation des réunions de commissions, en travaillant avec les services de l’Assemblée, qui font un travail formidable. Aussi, je rencontre les acteurs de la vie juridique, de la justice, de la sécurité de notre pays : police, avocat, magistrats, gendarmerie, collectivités territoriales, etc. Cela se fait soit lors de déplacements, partout en France et en outre-mer, soit lors de rendez-vous plus institutionnels qui permettent de comprendre véritablement leurs besoins. 

Enfin, du vendredi au lundi, je suis en circonscription, à Poitiers (quand la situation à l’Assemblée le permet). C’est une partie du travail de député que j’aime particulièrement car c’est l’occasion pour moi de prendre le pouls de ce qu’attendent les Français, de comprendre leurs préoccupations quotidiennes – parfois bien différentes de ce que l’on peut imaginer dans l’hémicycle ! Alors je me déplace aux quatre coins de la circonscription, sur des évènements divers ; et je reçois aussi de nombreux citoyens dans ma permanence afin d’écouter leurs problèmes et essayer de trouver, des solutions à ceux-ci. 

En quoi l’élection des députés à la proportionnelle, un temps ambitionnée par la majorité dont vous êtes issu, changerait le fonctionnement de l’Assemblée nationale ?

Je crois qu’aujourd’hui nous avons une proportionnelle de fait ! Puisqu’avec les partis de la majorité présidentielle nous avons une majorité, qui n’est pas absolue, qu’est-ce que cela change ? Vous le voyez vous-même. Beaucoup de débat, de passion, une fabrique de la loi enrichie. L’assurance pour les Français d’être représentés pour le meilleur et pour le pire. 

II/ Un parcours singulier : questions biographiques

Vous êtes le co-fondateur du mouvement des “Jeunes avec Macron”, en 2015. Quel rôle a eu, selon vous, ce mouvement de jeunesse dans la création de la formation En Marche ? Et dans la victoire du Président Macron ?

La fondation des Jeunes avec Macron a permis de faire émerger une nouvelle génération de militants à l’heure où les jeunes s’engagent d’abord pour des causes plutôt que dans des partis. Ceux qui se sont engagés en 2017 défendaient l’Union Européenne et l’égalité réelle.

Je suis extrêmement fier d’avoir contribué à la création de cette force militante qui part deux fois a pris toute sa part dans l’élection d’Emmanuel Macron comme Président de la République. 

Vous avez été élu député, puis vice-président de l’Assemblée nationale, en 2017, à seulement 28 ans. Comment expliquez-vous un parcours si rapide ? Comment trouver la légitimité suffisante pour assumer de telles fonctions à cet âge ?

L’âge et la légitimité n’ont rien à voir. La légitimité ce sont les électeurs de ma circonscription qui me l’ont apporté, qu’importe mon âge, en m’élisant dès 2017. C’est vertigineux ! Parce que l’on a une responsabilité vis-à-vis de milliers de personnes qui attendent beaucoup de vous, de votre travail, mais c’est aussi très stimulant. Alors on apprend, on travaille beaucoup, on se trompe parfois, on échoue, mais pour mieux rebondir. Je ne peux pas dire que j’étais il y a bientôt 6 ans le même député qu’aujourd’hui. J’apprenais, comme plus de 300 de mes camarades, avec beaucoup d’humilité. J’aime à dire qu’il faut un mandat pour apprendre, et un mandat pour se battre pour mettre en œuvre ses idées. Alors c’est reparti !

Qu’envisagez-vous pour la suite de votre carrière ? Pensez-vous dédier l’intégralité de celle-ci à la politique ? 

Ma carrière professionnelle je l’ai commencé en tant qu’avocat. Le mandat que m’ont confié les Français n’est pas éternel, je le sais. Je suis au travail pour effectuer durant ces années mon maximum pour faciliter leur quotidien. Je sais que la politique n’est pas un métier et je me rendrai utile par ailleurs le moment venu. 

Alors que les ambitions individuelles s’affirment, comment vous positionnez-vous pour l’échéance de 2027 ?

En 2012, quelques mois après l’élection de François Hollande, imaginiez-vous qu’Emmanuel Macron serait un jour candidat, et même Président de la République ? Alors ne mettons pas la charrue avant les bœufs s’il vous plait. Aujourd’hui nous avons des défis colossaux ! Le monde est en crise(s) et la France en subit les conséquences de plein fouet. Je suis au travail, plus que jamais. Pour le reste, je vous propose que nous prenions dès aujourd’hui un rendez-vous pour 2026 et nous en reparlerons. 

III/ La nouvelle législature et ses enjeux : questions politiques

La coalition “Ensemble” dont vous êtes membre n’est parvenue qu’à obtenir une majorité relative à l’Assemblée nationale. La France est-elle devenue ingouvernable ?

Absolument pas. Nous l’avons montré. Dès le mois de juillet nous avons permis l’adoption de lois pour le pouvoir d’achat des Français. Grace à une véritable méthode de dialogue et de compromis, nous avons pu, avec le concours des oppositions de l’arc républicain, faire adopter des mesures qui ont concrètement permis une augmentation du pouvoir d’achat pour nos concitoyens : hausse des APL, revalorisation des pensions de retraite, dégel du point d’indice des fonctionnaires, etc. 

C’est une nouvelle façon de travailler, avec une plus grande part laissée au dialogue, mais c’est ce qu’ont voulu les Français et en aucun cas cela ne signifie que la France est ingouvernable.

Craignez-vous une dissolution de l’Assemblée nationale ? Quelles en seraient les conséquences sur le plan politique ?

Nous ne craignons pas une dissolution. Nous savons tous que c’est un outil constitutionnel que le Président a en sa possession. A priori, nul besoin de s’en servir dans la mesure où nous pouvons avancer et travailler sur les textes en bonne intelligence.

Mais qui a réellement le plus à perdre si une dissolution est prononcée ? Certainement ceux qui se comportent le plus mal. 

L’élection d’un nombre croissant de députés issus de partis plus radicaux est-elle responsable d’une détérioration de l’atmosphère de travail à l’Assemblée nationale ? Avez-vous remarqué plus de conflits, de rivalités sur les bancs de l’hémicycle ?

Ce que je remarque c’est que dans leur volonté d’opposition permanente, les extrêmes coparticipent au chaos parlementaire. J’entends par là que les invectives et le brouhaha permanent des députés LFI-NUPES crée une situation de travail délétère. 

Du côté du RN c’est encore pire. Dans l’hémicycle, des élus RN insultent Bruno Le Maire puis Pap Ndiaye. Ce n’est pas digne du mandat que leurs ont confiés les Français. Ils méritent les sanctions prises à leur encontre par la Présidente de l’Assemblée. Qu’on en finisse avec cette blague qu’est leur prétendue dédiabolisation !

La consécration, c’est peut-être le vote commun sur la motion de censure. On en rirait presque si ce n’était pas si triste et si inquiétant. 

Quel avenir prédisez-vous au parti “Renaissance” à l’issue du second et dernier mandat du Président Macron ?

Je ne prédis pas l’avenir car en politique on se doit d’abord d’apporter des solutions aux préoccupations immédiates de nos concitoyens : sur leurs revenus et leur travail, sur l’énergie, ou sur la sécurité. Ce dont je suis sûr, c’est que La République En Marche, en devenant Renaissance, se donne les moyens de continuer le travail accompli depuis 2016. Ce rassemblement des forces progressistes de notre pays, autour d’un projet commun a toujours déjoué les attentes des meilleurs commentateurs politiques. En 2016, personne ne pariait sur notre victoire. En 2021, personne ne croyait capable la réélection du Président de la République. Pourtant nous l’avons fait. Alors, unis dans notre diversité, parce ce que c’est ce qui fait notre force, nous continuerons de mener le combat pour nos valeurs et nos idées. 

Illustré par Victor Pauvert

Victor Pauvert

Victor Pauvert

Étudiant français en Master in Management à HEC Paris (Promotion 2025).
Vice-président et rédacteur en chef de KIP, interviewer et contributeur régulier.

French student in Master in Management at HEC Paris (Class of 2025).
KIP's vice-president and editor-in-chief, interviewer and regular contributor.

Alexandre Biardeau

Alexandre Biardeau

Étudiant français en Master in Management à HEC Paris (Promotion 2025).
Membre de KIP, intervieweur et contributeur régulier.

French student in Master in Management at HEC Paris (Class of 2025).
Member of KIP, interviewer and regular contributor.