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Le réveil de la finance verte

L’écologie a un long passé, mais une courte histoire. La finance est l’un des sacro-saints dont ne peut se passer le monde pour devenir plus vert, elle est l’énergie de départ pour faire la transition. C’est dans ce contexte que nombre de critiques pleuvent sur elle : trop technique, népotique, déplaçant des montants faramineux dans des contextes de crises… Ainsi, son incompréhension crée souvent un rejet brutal, une mauvaise image justifiant la phrase de Jeremy Bentham « pour redresser un arc, dit le proverbe, il faut le tendre en sens contraire »1Voir Jeremy Bentham, Panoptique.. Pourtant, l’arc est désormais tendu dans l’autre sens avec le comité du label Investissement Socialement Responsable (ISR) qui a modifié cet été les critères Environnementaux, Sociaux et Gouvernance (ESG) : excluant le charbon et les énergies fossiles. La finance se trouve un souffle nouveau : plus sensible à la responsabilité des investissements et prête à s’attaquer au greenwashing.

Des débuts prometteurs pour la finance verte dus à l’activisme

Malgré l’existence de différents mouvements soutenus par les occidentaux qui cherchent à rendre la finance plus verte, l’activisme dans le monde financier reste faible mais efficace. A titre d’illustration les activistes ont permis de déplacer la rémunération des dirigeants sur des critères extra-financiers verts. Ainsi venant du monde anglo-saxon, la principale arme des activistes est le « Say On Climate » imposant aux entreprises d’avoir à l’ordre du jour de leurs assemblées générales des projets zéro émission climatique. La seconde arme majeure est le shaming ou l’art d’entacher la réputation de l’entreprise qui se verrait boycotter.

L’activisme ne peut être la seule poussée pour faire naître une révolution verte

L’activisme ne peut être la seule solution, ce n’est pas à une poignée d’agents de décider pour tous mais bien à l’ensemble du système de se réveiller. Le principal frein à un consensus sur ce sujet est le prix à payer qui diffère d’un agent à l’autre pour obtenir un produit plus vert. Pour un même investissement, nul doute que chacun se voit choisir un produit plus vertueux. Ainsi, nous ne sommes pas prêts à mettre le même prix d’un consommateur à l’autre pour avoir un bienfait sur l’environnement : c’est les aides à l’investissement vert de l’État qui doivent être questionnées.

D’autre part, l’activisme cherche toujours à remettre en question la définition du « vert ». L’idée derrière est de faire douter l’acheteur de l’actif en montrant qu’il existe une émission de carbone, qu’il se fait tromper en achetant un actif dit « marron ». Ainsi, il est désormais fondamental que le législateur prenne ses responsabilités pour cesser de discuter et rediscuter de la notion de « vert » et d’avancer sur une définition commune. Le législateur n’a plus le temps ; la planète n’a elle non plus pas le temps de se constituer des petites bases sur l’écologie.

L’écologie, une vision géopolitique

Il ne faut pas oublier que l’écologie est un sujet mondial et non franco-français. Le fait que la France prenne sa part dans ce défi séculaire avec une législation forte, peut mettre à défaut des entreprises très utiles dans un monde géopolitique de plus en plus instable. “Nettoyer au kärcher” un certain nombres d’entreprises en asséchant le financement ne fera que tuer l’innovation qu’elles pourront apporter sur ce sujet : une juste mesure est ici à trouver. Accélérer la transition climatique ne veut pas dire fragiliser l’économie et in fine la finance qui en découle. Au contraire, c’est assurer sa sécurité de long terme.

Les fonds doivent retrouver leurs sources pour alimenter la nature

Nombre de français ont la volonté d’agir via l’argent qu’ils possèdent, c’est-à-dire de donner du sens à leur épargne avec une gamme de choix qui s’élargit d’année en année dans leur contrat d’assurance-vie. 60% des français pensent que les actions « vertes » peuvent jongler entre croissance et emploi. Dès lors, depuis la loi Pacte (2019), l’assureur est obligé de prendre en compte les préférences des clients sur les critères ESG via un questionnaire, de proposer au moins un fonds « investissement socialement responsable » (ISR) et pour ceux ayant un contrat multisupports, de proposer au moins un support financier vert labellisé (Greenfin, Finansol ou ISR)2La loi Pacte cherche à mieux redistribuer les richesses entre l’employeur et le salarié tout en obligeant les entreprises à considérer davantage les enjeux sociaux et environnementaux dans leur stratégie.. Aujourd’hui, contrairement à la pensée commune, ce sont bien les fonds d’institutions qui représentent la majorité des investissements durables comparés à l’épargne des français individuels. En 2019, selon les statistiques de Novethic, les fonds avec critères éthiques ont doublé leurs encours en Europe passant à 278 milliards d’euros, et le nombre de fonds a augmenté de 44 %, à 704 milliards. A la marge, on notera que les fonds activistes n’arrivent pas à rivaliser avec les géants des fonds ESG : la révolution proviendra donc d’un consensus entre les grands gestionnaires d’actifs.

Vendre par le vert

Dans cette perspective, la finance va devoir déplacer le gouvernail très ancien de certains produits financiers pour les adapter aux nouveaux enjeux. Ainsi, c’est une finance qui se veut plus solidaire qui voit le jour, animée par des projets à vocation durable et se projetant dans une série de défis. L’une de ses principales contraintes est de parvenir à créer de la rentabilité tout en garantissant un bien pour le commun. En d’autres termes, pour le banquier, le plus difficile n’est pas de trouver de l’argent mais des projets vertueux pour la planète. Dans un autre axe, l’enjeu touche également au marketing et au commerce, s’y adossant des phrases du type « là où est placé votre argent, vous agissez ». C’est la qualité de l’information extra-financière qui doit s’en suivre.

Démocratiser les sujets financiers verts

A l’aune d’un chamboulement que nous connaîtrons de notre vivant, il est nécessaire de subventionner toutes les actions permettant d’aller plus vite dans cette transition tout en préservant notre économie. Si les entreprises font pour l’heure le maximum pour limiter les impacts du réchauffement climatique tout en ne touchant pas à leurs modèles d’affaires, une collision est inévitable au fil du temps. Cette révolution, qui impliquera une violence caractérisée par la mort d’un certain nombres d’entreprises, ne doit pas nous laisser sans voix. Il faut dès maintenant accompagner ces entreprises via des politiques de formations, de nationalisations et de démembrements. Bref, se mettre en ordre de marche pour l’écologie demande des sacrifices qui ne sont pour lors pas suffisamment déclinés par l’Etat.

Illustré par Constance Leterre-Robert

Matthieu Verry

Matthieu Verry

Premier vice-président du think-tank Écologie responsable, partenaire de KIP. Il est actuellement inspecteur généraliste dans la finance et est passé par plusieurs grands groupes français. Matthieu est diplômé de Gestion et de Philosophie.

First vice-president of Écologie responsable, think-tank and KIP's partner. Currently finance inspector, he has worked for several big French corporations. Graduated in Management and Philosophy.