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Le Meilleur des Mondes #4 – Lula : l’éternel candidat

Coup de théâtre sur la scène politique brésilienne. L’ancien président Luiz Inacio Lula da Silva peut désormais affronter Jair Bolsonaro à la présidentielle de 2022. Le juge de la Cour suprême Edson Fachin a en effet annulé toutes ses condamnations pour corruption et l’a rétabli dans ses droits politiques. Si Lula apparaît comme le candidat le plus sérieux pour contrer la polarisation menée depuis deux ans par Bolsonaro, une nouvelle candidature du leader de la gauche serait aussi un échec pour le Brésil, incapable de trouver une nouvelle ligne politique stable et efficace depuis une décennie.

Lula, seule alternative crédible à Bolsonaro

Evidemment, le retour de Lula sur la scène politique est une perspective salutaire pour les Brésiliens. Alors que la crise sanitaire se rajoute au saccage démocratique et environnemental mené par Bolsonaro, se rappeler du Brésil dirigé par Lula entre 2003 et 2011 est une douce pensée. Mettre en avant une politique de lutte contre l’inflation tout en menant dans le pays de véritables mesures contre la pauvreté, voilà ce qui a permis au Brésil de s’affirmer comme une figure de proue des pays émergents; et voilà ce qui doit permettre au Brésil de retrouver sa stabilité.

Bien sûr, d’autres candidats du PT proposent le même discours. L’élection de 2019 a toutefois révélé leur incapacité à lutter contre la politique populiste de Bolsonaro. Et si une grande partie des Brésiliens sont aujourd’hui accablés par la gestion de la crise, d’autres se retrouvent dans son discours nationaliste, son refus de bloquer l’économie et sa volonté de rester indépendant des grandes puissances dominantes. Face à cela, Lula, ancien ouvrier puis chef d’opposition à la dictature militaire de 1968, est le seul homme politique à jouir d’un charisme, d’une popularité et d’une expérience suffisants pour espérer battre Jair Bolsonaro en 2022.

Un Brésil à reculons

Voir ce retour à la politique du «fils du Brésil» comme une annonce salvatrice serait toutefois une véritable erreur car rien ne garantit que Lula connaîtra le même succès que lors de ses deux premiers mandats. S’il se présente, l’ancien président se trouvera face à des défis très différents. Le Brésil qu’il a dirigé pendant la décennie 2000 était un pays confiant, optimiste et en forte croissance, porté par l’envolée des prix des matières premières, ce qui lui a permis de financer d’ambitieux programmes sociaux. Le Brésil qu’il pourrait reprendre en 2022 aura été laminé par des années de crise économique, rongé par le doute, meurtri par l’épidémie de Covid-19. Ce retour en politique est en réalité un retour en arrière et souligne l’incapacité du Brésil à avancer depuis une décennie.

Il faut dire que la gauche brésilienne est à court de programme. Miné par les affaires de corruption, humilié par la destitution de Dilma Rousseff en 2016, sonné par l’arrivée au pouvoir de Bolsonaro, le Parti des travailleurs (PT) a déserté le débât d’idées. Préférant centrer son discours sur les déboires judiciaires de ses représentants, il en a oublié le cœur même de sa politique : défendre les plus pauvres contre l’élite politique. Incapable de faire émerger de nouveaux leaders en son sein et misant sur son chef historique pour la sixième fois, le PT ne peut pas se permettre de s’accrocher ainsi au pouvoir, au risque de perdre son identité et d’échouer cette fois à résoudre la crise.

Pour le PT, il s’agit enfin maintenant de tirer des leçons de ses treize années passées au pouvoir. La question n’est pas de savoir si ses dirigeants politiques ont été ou non victimes de complots judiciaires, mais plutôt de comprendre ce qui a manqué à son programme pour faire durer le succès de ses politiques économiques et sociale et empêcher le virage à l’extrême-droite de sa population.  Pour le Brésil, il s’agit maintenant de faire le choix entre une politique populiste, polarisante et court-termisme et une politique bien plus sociale, menée par un homme qui aura de nouveau tout à prouver au peuple brésilien.

Paul Berlemont

Paul Berlemont

Étudiant français en Master in Management à HEC Paris (Promotion 2024).
Vice-président de KIP, responsable du pôle podcast et contributeur régulier.

French student in Master in Management at HEC Paris (Class of 2024).
Vice-president of KIO, Head of the radio content and regular contributor.