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Illustration par Kim Provent pour KIP.

La jeunesse face au changement climatique : « Dix ans pour changer le monde »

Chers adultes du monde d’hier, il est temps pour vous de rentrer en coulisse. Vous entendez ce grondement sourd au loin ? C’est le cri de la jeunesse. Une jeunesse pleine d’envies et de convictions, qui ose rêver. Mais surtout une jeunesse contestataire de votre immobilisme perpétuel. Alors pour le bien de l’humanité, veuillez tirer votre révérence et lui laisser place. C’est maintenant que cela se passe. 

Augmentation des températures à la surface de la Terre, élévation du niveau moyen des océans, catastrophes naturelles, le réchauffement climatique est désormais l’un des enjeux majeurs – si ce n’est le principal – du XXIe siècle. Si l’on se penche sur les rapports du GIEC, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, nous avons dix ans pour tout changer : l’espèce humaine doit réduire de moitié ses émissions de gaz à effet de serre ou elle ne sera plus. Changer de mode de consommation, changer d’habitudes, mais aussi, à l’échelle plus globale des États, changer de mode de production d’énergie et de mode de croissance. Voilà quelques-uns de nos douze travaux d’Hercule. 

Se battre pour la planète, c’est se battre pour sa propre survie. Et cela, la jeunesse de Greta Thunberg l’a bien compris. Ce combat du siècle dépasse le clivage figé des partis politiques car s’il a bien un dénominateur commun, c’est celui de l’unité. Les Fridays for Futures1Mouvements de grève étudiante et scolaire instillés par Greta Thunberg dès mars 2019 pour encourager les jeunes à quitter leur établissement et à aller manifester pour le climat le vendredi. l’ont bel et bien montré. Là où les adultes du monde politique peinent à se mettre d’accord, la jeunesse est unanime. Que ce soit en Asie, en Amérique ou encore en Europe, des centaines de milliers de jeunes se sont rassemblés autour du mouvement Youth for Climate pour dénoncer l’inaction climatique des États. Le mot d’ordre de la Génération Climat : appliquer les décisions de la convention citoyenne pour le climat – c’est-à-dire réussir là où les responsables politiques ont échoué.

Au travers de la désobéissance civile, la jeunesse demande à ce que des plans concrets succèdent aux discours. Précisément, la recommandation principale du GIEC de diminuer de 45% les émissions globales de gaz à effet de serre en dix ans est devenue son cheval de bataille. Au-delà des prédictions difficilement réalisables, c’est un problème de nature politico-légal qui est pointé du doigt : l’accord de Paris issu de la COP 21 est un traité international légalement non contraignant. Et, comme l’affirme Matthieu Wemaëre, expert en droit du climat, « [l’accord de Paris] ne prévoit pas de mécanisme coercitif ou de sanction pour les pays qui ne respecteraient pas leurs engagements ». Ainsi, il en va du bon vouloir de chaque État de mettre en pratique ses résolutions. Il n’est pas sans dire que la barre fatidique des 1.5°C est en réalité une douce utopie.

Un deuxième combat mené par la nouvelle génération, aux quatre coins du monde, est celui de l’inégalité des pays touchés par le changement climatique. Parmi toutes les régions du monde, c’est l’Asie du Sud-Est qui est la plus menacée – que ce soit par la montée des eaux, ou l’assèchement des sols fertiles. Or l’Asie du Sud-Est abrite également de nombreux pays en voie de développement, peu préparés aux catastrophes à venir – c’est un euphémisme. De même, ce mécanisme d’exacerbation des inégalités semble favoriser les phénomènes d’intersectionnalité2l’intersectionnalité est un concept sociologique désignant les personnes cumulant simultanément plusieurs types de discriminations au sein d’une société (couleur de peau, sexe, genre, milieu social, etc.) : les filles sont plus touchées que les garçons, surtout quand elles viennent de pays pauvres, car ce sont elles les premières à se voir refuser le droit à l’éducation quand la situation économique du foyer devient critique. 

On ne peut nier que les sommets sur le changement climatique se succèdent depuis quelques années. L’écologie et la protection de l’environnement deviennent des thématiques de plus en plus à la mode pendant les diverses campagnes électorales en France, mais aussi à l’Ile Maurice, menacée de disparition d’ici cent ans. Précisément, le réchauffement climatique est pris très au sérieux dans l’Océan Indien : une hausse de plus de 1.5°C ainsi que l’acidification des océans dus au réchauffement climatique entraîneraient la mort de près de 70% à 90% des coraux mauriciens. L’écosystème marin serait donc directement menacé avec des conséquences environnementales, économiques et sociales sans précédent. Plus grave encore, avec la montée des eaux ce sont bel et bien des îles entières qui pourraient tout simplement être rayées de la carte d’ici quelques décennies, à l’instar des Seychelles ou de Maurice. Pour autant, derrière la bonne volonté affichée des dirigeants de notre monde se cache l’immobilisme des institutions, dont le fonctionnement archaïque semble incompatible avec le changement rapide réclamé. Il est grand temps que des institutions supranationales souveraines œuvrant contre le réchauffement climatique et devant lesquelles les États seraient juridiquement responsables soient mises en place.

Mais comment faire ? Comment transformer ce bouillonnement d’idées en réelles décisions politiques ? Une chose est sûre, la nouvelle génération est plus apte à changer ses habitudes que son aîné. Adaptabilité, sensibilité, et envie de changement. Ces trois mots d’ordre semblent caractériser la génération des millenials, du moins en Occident. 

À l’ère des réseaux sociaux, plus personne ne peut ignorer la réalité climatique. Et la tendance semble plus pencher vers l’activisme que vers l’immobilisme. Selon une étude publiée sur le site gouvernemental Vie publique, « L’environnement est en tête des préoccupations chez les 18-30 ans (32%), devant l’immigration (19%) et le chômage (17%). L’engagement des 18-24 ans pour la défense de l’environnement progresse : 12% d’entre eux ont participé aux activités d’une association en 2019, contre seulement 3% en 2016 ». Restons positifs !

Maintenant, il faut passer à l’action. Faire la grève le vendredi est vain si cela n’est pas suivi par des décisions politiques concrètes. Trier ses déchets n’a pas d’impact si Amazon persiste à livrer des biens de première nécessité dans des tonnes d’emballages. 

Une chose est sûre. Il en va de la responsabilité individuelle de se prendre en charge et d’avoir un comportement de citoyen éclairé aux enjeux du XXIe siècle. Plus encore, je crois en la capacité des citoyens du monde de faire pression sur les décideurs pour favoriser une économie verte.

Parce que la nouvelle génération s’engage, aux quatre coins du monde, dès le plus jeune âge pour le climat, et parce qu’elle semble avoir pris la mesure de l’urgence climatique, je crois en sa capacité de faire bouger les choses. Jamais l’enjeu environnemental n’a été aussi présent dans la conscience collective.  

Notre jeunesse a un rêve. Un monde dans lequel ses enfants pourront vivre heureux. Un monde dans lequel ses habitants ne seraient pas forcés de s’agglutiner dans l’intérieur des terres. Un monde dans lequel l’air ne serait pas irrespirable. Enfin un monde dans lequel des millions d’êtres humains ne seraient pas forcés de risquer leur vie pour atteindre des terres habitables. 

Notre jeunesse est visible, notre jeunesse est vocale. Elle trépigne du jour où les grands de ce monde lui laisseront les rênes pour enclencher le bouleversement nécessaire. Il n’est pas trop tard, mais il va falloir faire vite. 

Laura Parascandola

Laura Parascandola

Etudiante en double master Sciences Po - HEC. Membre de KIP et contributrice régulière.

Sciences Po - HEC dual master student. Member of KIP and regular contributor.