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François Mitterrand : mi félon, mi tyra
Illustration réalisée par Hugo Sallé

François Mitterrand : mi-félon, mi-tyran

#### Avertissement liminaire ####

Que les détracteurs gauchistes ne se méprennent pas. Cet article n’est aucunement un pamphlet contre le bilan des deux septennats mitterrandiens. Je leur reconnais certains progrès, comme l’abolition de la peine de mort, la dépénalisation de l’homosexualité, la cinquième semaine de congés payés ou les lois Deferre. Ce papier a uniquement pour vocation de mettre François Mitterrand face à ses contradictions.

Dimanche 10 mai 1981. 20 heures. Soirée tristement célèbre de l’Histoire de France. Après deux tentatives infructueuses, François Mitterrand accède à la fonction suprême. Son heure a tant tardé. Mais elle est enfin venue. Heureusement pour lui : si ambitieux, il se désespérait. Il parade, onze jours plus tard, la rose à la main, devant le Panthéon. Les soixante-huitards sont en liesse tandis que d’autres sont en pleurs. Ceux-là sont visionnaires : ils devancent le désastre qui s’annonce.

Les Français ne le savent pas encore : ils viennent d’élire un arriviste invétéré, un politicien véreux courant après tous les postes, un scélérat pour qui la trahison est habitude. Toute sa vie durant, Mitterrand a conformé ses idées aux majorités. Il est l’archétype de l’homme politique sans aucune conviction, dont les choix ne sont guidés que par la soif de pouvoir. Il est un Talleyrand moderne, un homme cultivé et raffiné en apparence, mais surtout diablement rusé. Un homme qui use de tous les scrupules pour satisfaire ses insatiables appétits.

Chose étrange, François Mitterrand est parvenu à tromper les Français. Il est parvenu à duper l’Histoire, en y entrant comme un géant de la gauche. Il est urgent de rétablir la vérité et de faire lumière sur le personnage détestable qu’il était.

Un mythe errant, de droite à gauche

Le candidat socialiste aux élections présidentielles de 1965, de 1974, de 1981 et de 1988 n’a pas toujours été de gauche. Loin de là. Mitterrand a commencé sa carrière politique dans les rangs de la droite la plus infâme, celle du Régime de Vichy [1]

Dans les années 1930, François Mitterrand est un sympathisant du colonel de la Rocque et un membre actif des Volontaires nationaux, organisme de jeunesse des Croix-de-Feu, mouvement nationaliste flirtant avec un « fascisme à la française ». On le retrouve lors de manifestations d’extrême droite organisées par l’Action Française. L’une d’entre elles fustige la prétendue « invasion métèque ».

Sous l’Occupation, François Mitterrand est un fonctionnaire fidèle à Pétain et entièrement dévoué à la cause de Vichy. Il voue une admiration sans bornes au Maréchal. À sa sœur, il écrit, en mars 1942 : « j’ai vu le maréchal au théâtre […] il est magnifique d’allure, son visage est celui d’une statue de marbre » . Pire encore : il est décoré de la Francisque, la plus haute distinction de la France de Vichy. Mais Mitterrand est malin : sentant le vent tourner, il passe à la Résistance. Il se positionne car il souhaite avoir un rôle de premier plan dans la république qui se profile.

Une fois la IVe République proclamée, François Mitterrand s’agite. Il noue des alliances avec n’importe qui, du moment que cela peut lui apporter du crédit. Il devient l’ami des socialistes, des centristes, des chrétiens et des sociaux-démocrates et des conservateurs. Entre 1946 et 1958, il fait partie de pas moins de huit gouvernements aux tendances politiques différentes. Sa nouvelle lubie : parvenir à la présidence du Conseil. Pour ce faire, il fait d’abord mainmise sur des ministères régaliens, notamment sur celui de l’Intérieur ou de la Justice, où il se fait connaître par ses mesures radicales et futiles.

L’homme qui se voudra anti-impérialiste est alors le plus ardent défenseur de l’Algérie Française. En tant que ministre de l’Intérieur, il acte l’envoi du contingent de l’autre côté de la Méditerranée. En novembre 1954, en pleine Assemblée Nationale, il tonne : « la rébellion algérienne ne peut trouver qu’une forme terminale : la guerre ». Puis il ajoute : « l’Algérie, c’est la France ».

L’homme qui abolira la peine de mort est alors un guillotineur invétéré. Le garde des Sceaux Mitterrand envoie sans remords les nationalistes algériens sous le couperet. Il est bien décidé à écraser le FLN, condition sine qua non pour atteindre les plus hautes sphères de l’État. Celui qui n’est alors que le numéro 3 du gouvernement rêve d’en être le premier. Mais pour cela, encore faut-il ne pas passer pour un « mou » aux yeux de l’opinion publique et donner des gages aux Européens qui réclament la tête des séparatistes. Terne bilan de l’Algérie mitterrandienne : normalisation de la torture, condamnations expéditives, une quarantaine d’Algériens sans leur tête.

Le Tonton flingueur du PS

Après ses errements nationalistes, vichystes et carriéristes, François Mitterrand se fixe temporairement à gauche. Il est nommé premier secrétaire du PS en 1971. À Épinay, les socialistes se prosternent devant leur nouveau seigneur. Pourtant, ils ne devraient pas se réjouir : ils viennent de se planter une épine dans le pied. Pour l’heure, François Mitterrand est porté par les espoirs populaires. Il finira par les décevoir en se faisant le fossoyeur de toute une gauche.

S’il scelle son union avec le PCF et le MRG en 1972 en adoptant un programme commun insensé, c’est uniquement pour mieux marcher sur l’Élysée. En effet, Mitterrand lorgne le soutien des communistes, qui représentent encore, en France, une force politique majeure[2]. Malgré leurs désaccords et l’éclatement de l’Union de la gauche en 1977, il obtient en 1981 leur ralliement lors du second tour de l’élection présidentielle. « Si je suis élu, promet-il, vous aurez des ministres ». Quatre ministres PCF font effectivement leur entrée au gouvernement Mauroy. Ils n’y feront pas long feu : ils seront gentiment remerciés deux ans plus tard. Hasta la vista.

Celui qui a été élu sur le serment de renverser l’ordre économique établi et de terrasser le libéralisme bafoue ses engagements dès 1983. Le socialisme à la française laisse rapidement place au réalisme économique, à l’austérité, et au « Tournant de la rigueur ». Sous Mitterrand, tout fout le camp. Les inégalités et la précarité explosent. Le travail est accaparé malgré l’adoption des trente-neuf heures. Le franc est dévalué à trois reprises. Les salaires ne sont plus indexés sur les prix. Les gouvernements socialistes se succèdent et ne parviennent pas à juguler le chômage, qui passe de 6 % en 1981 à 10,2 % en 1994. Une tradition de la gauche depuis. Usé, incapable, las, il admet en 1993 : « dans la lutte contre le chômage, on a tout essayé ». Ne blâmez donc pas l’élève Hollande. Il n’a que trop bien suivi les leçons du professeur Mitterrand. Lorsque l’on est élu à gauche, lui a-t-il confié, il faut gouverner à droite.

Le président Mitterrand devrait donc être une insulte pour le PS. Il a sapé sa crédibilité en reconnaissant tacitement que le socialisme est une utopie. Il l’a divisé en consacrant la dichotomie entre sociaux-démocrates et socialistes radicaux. Il l’a humilié. Sous sa présidence, le Parti Socialiste enregistre des défaites historiques. En 1993, lors des élections législatives, un raz-de-marée bleu déferle sur l’Assemblée nationale. Le RPR et l’UDF remportent 472 sièges, la plus large majorité qui n’ait jamais été faite. Les députés socialistes refluent du Palais Bourbon. Bon débarras. Merci Tonton !

Premier secrétaire général de la République populaire française ou dernier roi de France ?

Sous Mitterrand, la France était à la fois l’URSS et l’Empire russe. L’URSS, car, qu’on le veuille ou non, le programme économique et l’exercice du pouvoir mitterrandien imitaient les pratiques soviétiques ; l’Empire russe parce que Mitterrand se la jouait empereur de toutes les Russies.

Entre 1981 et 1983, Mitterrand nationalise à tout va banques et industries, fait flamber la dette française et ordonne la création d’emplois publics, mauvaise idée pour pallier un chômage grandissant. Impossible de lui en vouloir : il respectait encore ses engagements de campagne, au péril de la France. La politique économique bolchevique n’est pas la seule qualité de l’URSS qui l’a inspiré : Mitterrand a en effet abusé des méthodes de gouvernance soviétiques. D’abord, il a donné naissance à une Nomenklatura française en promouvant Ségolène Royal, François Hollande, Michel Sapin ou encore Martine Aubry, soit autant de personnalités qui minent encore aujourd’hui notre vie politique. Ensuite, le petit Père François, qui s’est entouré d’une sorte de KGB à la française qui lui était entièrement dévoué, a traqué ses critiques. Sous couvert d’anti-terrorisme, il a mis sur écoute une centaine de Français pour les empêcher de divulguer des « informations sensibles » à son sujet [3], à l’instar de l’existence de sa fille adultérine, Mazarine Pingeot, sa maladie, un cancer de la prostate ou son passé, passé à l’extrême droite. Comme les soviétiques, il a manipulé l’information. Pour faire croire qu’il était sain, comme l’exigeait sa fonction, il a sommé son médecin de signer de faux certificats de santé. Enfin, à la manière de Joseph Staline passant un pacte avec le diable nazi, François Mitterrand, par intérêt, s’est associé à la pire racaille. Il a propulsé le tricheur Tapie en politique, l’a soutenu lors des élections législatives de 1988 et l’a fait Ministre de la Ville en 1992. Il a favorisé le Front national, qui est passé, sous sa présidence, d’un groupuscule d’extrême droite à un parti ancré dans le vie politique française. Comment ? Sous couvert de renforcement de la démocratie, Mitterrand a introduit le scrutin proportionnel en 1986 et a envoyé des lettres de sa plume aux chaînes de télévision les enjoignant à exposer davantage Jean-Marie le Pen. Son unique souhait était d’affaiblir la droite en la divisant. Résultat : aux élections législatives de 1986, le Front National glane 9,65 % des suffrages exprimés et 36 députés. Rien que cela. Merci François !

Pendant ses deux septennats, François Mitterrand ne préside pas : il règne. L’Élysée n’est plus qu’un palais où se jouent affaires et intrigues. Le monarque passe tranquillement ses Noël dans un hôtel en Égypte aux frais du contribuable. Son fils, « Papa m’a dit », devient sans que personne ne sache pourquoi conseiller pour les Affaires africaines à l’Élysée. Sa maîtresse et sa fille, Anne et Mazarine Pingeot, sont entretenues par l’État. Comme l’empereur Nicolas II avant lui, le roi Mitterrand méprise le peuple. Il est répugnant, médisant et malveillant. Il se croit plus savant et plus intelligent que les autres. En son for intérieur, il ne pense qu’à lui, qu’à son succès, qu’à son pouvoir. Il humilie adversaires et alliés, à l’image du pauvre Michel Rocard, qu’il déteste. Lorsque des journalistes l’interrogent en 1988 à propos de sa succession, il répond cruellement : « par ordre de préférence, Jacques Delors, Raymond Barre, Valéry Giscard d’Estaing, mon chien, Michel Rocard » [4]. Il s’accroche à ses privilèges, quitte à agir en manœuvrier. Ni les sanctions électorales du PS ni les cohabitations ne l’arrêtent. Il se complait dans le faste du Faubourg Saint-Honoré. Le costume de président-roi lui sied. L’homme du Coup d’État permanent devient l’homme de l’Élysée. Le confort et le pouvoir lui ont fait oublié sa promesse de réduire le mandat présidentiel à cinq ans, renouvelable une fois, ou d’en faire un mandat de sept ans non renouvelable.

François Mitterrand était obsédé par la marque qu’il allait laisser dans l’Histoire. Il répétait sans cesse à qui voulait l’entendre : « je serai le dernier des grands présidents ». Pourtant, par son manque de cohérence, de vision et de projet pour la France, Mitterrand ne pourra jamais être considéré comme un des Grands de notre Nation. Il ne sera que le premier des petits arrivistes. Le premier de ceux qui polluent le débat public. Le premier de ceux qui veulent à tout prix un siège de député, de sénateur ou un ministère. Le premier de ceux qui n’ont aucune opinion, qui ne sont ni libéraux, ni socialistes, ni conservateurs, ni chrétiens ou sociaux-démocrates, ni nationalistes, ni communistes. Habile moyen pour duper les Français, contenter la majorité, supprimer la bataille des idées et rester à jamais au pouvoir.

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Sources et renvois

[1] Le journaliste Pierre Péan, dans Jeunesse française, essai publié en 1994, met en lumière le sombre passé de Mitterrand. Il dépeint sa vie de 1935 à 1947. Ces révélations, tenues pendant des décennies dans le secret, choquent profondément l’opinion publique française.
[2] Lors des élections présidentielles de 1969, le candidat communiste Jacques Duclos recueille 21,27 % des voix au premier tour. Il devance largement le candidat SFIO Gaston Deferre, qui ne récolte que 5,01 % des suffrages.
[3] C’est « l’affaire des écoutes de l’Élysée ». Edwy Plenel, journaliste au Monde et Jean-Edern Hallier, écrivain polémiste, sont les plus célèbres victimes de l’affaire.
[4] François Mitterrand finira par se présenter aux élections présidentielles de 1988 et sera réélu. Après son triomphe, en raison de la popularité de Michel Rocard, il accepte de le nommer Premier Ministre. Il dit : « il n’a ni la capacité ni le caractère pour cette fonction, mais puisque les Français le veulent, ils l’auront. (…) Dans dix-huit mois, on verra au travers ». Rocard le démentira : il ne démissionnera que trois ans plus tard, en 1991..
Maxence Martin

Maxence Martin

Étudiant français en Master in Management à HEC Paris (Promotion 2022).
Rédacteur en chef de KIP (2019-2020)

French student in Master in Management at HEC Paris (Class of 2022).
Chief Editor of KIP (2019-2020)