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Illustration par Adrien Martin pour KIP.
Illustration par Adrien Martin pour KIP.

Fonds de relance européen (2/2): une véritable avancée ?

Derrière les cascades d’annonces qui nous promettent des lendemains qui chantent, se cachent malheureusement des concessions dans le plan de relance présenté par la Commission européenne le 27 mai dernier. À n’y pas manquer, elles finiront par lézarder cet édifice si parfait en surface.

Si l’on s’intéresse tout d’abord à la froide réalité des chiffres, il est facile de constater que le plan est bien moins ambitieux qu’il n’en a l’air à entendre les déclarations triomphantes des protagonistes. Dans les détails, tout cela est un peu moins rose si on constate simplement qu’un peu moins de la moitié des 750 milliards sera accordée sous forme de prêts. Or, en l’état actuel des choses, les conditions de financement de la majorité des États de l’Union sont bien meilleures sur le marché que celles proposées par le fonds européen. Quid de l’utilisation effective de ces fonds par les États ? Dans tous les cas, son impact sera sans nul doute bien inférieur à celui espéré par ses promoteurs.

Ensuite, comme toute décision devant être décidée à l’unanimité par les membres, le plan a été amendé à de nombreuses reprises afin de satisfaire les différentes sensibilités. Si la recherche du compromis est un but tout à fait légitime et louable, cela peut néanmoins créer des incohérences qui finissent par miner des objectifs de départ pourtant clairs. Ainsi, comment oublier le bras de fer entre le couple franco-allemand et Mark Rutte à propos de la conditionnalité des aides au respect de réformes structurelles ou encore l’intransigeance de la Hongrie et de la Pologne à propos du respect d’une gouvernance démocratique pour toucher les subventions. Ainsi, cette proposition, loin d’unir les Européens autour d’un projet commun, fait ressortir comme à l’accoutumée les vieux points de discorde entre blocs, à commencer par le clivage lassant et caricatural entre pays du Nord et pays du Sud. Pour prendre un exemple , on peut remarquer que le financement de la politique agricole commune, jusque là un des piliers de l’Europe économique, a été revu à la baisse d’environ 15% pour le cadre financier pluriannuel qui court de 2021 à 2027 afin de convaincre les pays les plus frugaux.

Une autre remarque qui peut être faite à l’égard de ce plan est son manque de flexibilité au regard d’une crise inédite tant par son ampleur que par les effets économiques et sociaux qu’elle entraîne. Le fonds paraît correctement dimensionné si l’on considère un rebond rapide des économies dès l’année prochaine. Mais imaginons simplement que l’ampleur d’une deuxième vague soit telle qu’elle contraigne les pays à reconfiner même partiellement. Dès lors, le plan paraît clairement insuffisant et il devient alors dommageable qu’il ne puisse pas être rapidement revu à la hausse ou dirigé vers de nouveaux besoins. Ce qui semble n’être peut-être qu’un détail organisationnel propre à l’UE révèle en fait une faille profonde : le manque de pouvoir de la Commission et du Parlement européen vis-à-vis des États quand il s’agit de prendre des décisions rapides qui concernent l’intégralité des États membres.

Si cela semble un petit point de détail, il est enfin à noter que la BCE ne pourra pas racheter sur le marché secondaire les obligations émises au nom du NGEU, une limitation due aux traités fondamentaux de l’UE mais qui montre bien les limites de l’intégration entre politique monétaire et budgétaire. Les dettes émises par l’UE ne sont pas considérées au même titre que les dettes nationales qui elles peuvent depuis la politique de QE être rachetées. Le diable se cache peut-être dans les détails, mais cela enterre très clairement les ambitions exprimées de faire de ce fonds les fondations d’un véritable budget commun. Cela revient à considérer que les dettes émises par la Commission n’ont pas la même valeur juridique que celles émises par les États. C’est donc avec un œil nouveau et amusé que l’on notera les déclarations du ministre allemand des finances Olaf Scholz qui a exprimé sa volonté que ce plan de sauvetage reste exceptionnel et ne se perpétue pas dans les programmations financières pluriannuelles suivantes.

En conclusion, il semble qu’il ne faille pas exagérer la portée de ce plan de sauvetage. Si ce dernier pose un premier jalon vers une Europe fédérale, il reste pourtant criblé de limitations qui l’empêche d’avoir la portée qu’il aurait dû originellement avoir. Il faut toutefois lui reconnaître qu’il dote l’UE d’un vrai budget pour faire de l’Union une puissance climatique et scientifique à même de se défendre face à une montée croissante de l’unilatéralisme de la part de ses partenaires, avec les États-Unis en tête de proue, comme de ses futurs rivaux, à l’instar de la Chine. En somme, même si l’Union a fait de grands progrès vers une intégration budgétaire plus renforcée, cette dernière reste limitée car elle ne peut avoir de synergies complètes avec la politique monétaire , ce qui est pourtant la base même d’un policy-mix efficace. On est donc loin du moment hamiltonien de l’UE, la mutualisation des dettes et des risques étant très loin d’être achevée, ne restant pour le moment qu’à l’état d’ébauche.

Marc-André Buquet

Marc-André Buquet

Étudiant français en Master in Management à HEC Paris (Promotion 2023).
Membre de KIP et contributeur régulier.

French student in Master in Management at HEC Paris (Class of 2023).
Member of KIP and regular contributor.