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Entretien avec Mme Nathalie Arthaud, candidate “Lutte ouvrière” à l’élection présidentielle

KIP continue aujourd’hui la série consacrée aux candidats à la présidentielle. Après M. Jean Lassalle, voici les réponses de Mme Nathalie Arthaud. Enseignante de formation, elle est, depuis 2008, porte-parole du parti révolutionnaire de gauche Lutte ouvrière. Candidate à l’élection présidentielle pour la troisième fois, les sondages lui attribuent entre 0,5 et 1,5 % des intentions de vote, alors qu’elle avait récolté 0,56 % des suffrages en 2012 et 0,64 % en 2017. KIP vous propose un point de vue singulier et radical sur l’actualité politique du pays.

Pauline Haritinian : C’est la troisième fois que vous êtes candidate à l’élection présidentielle. En tant que candidate de Lutte Ouvrière, en 2012, vous aviez obtenu 0,56% des voix et en 2017, 0,64%, pensez-vous cette année pouvoir dépasser les 1% de vote ? Qu’est ce qui vous pousse à continuer votre campagne ?

Nathalie Arthaud : Ma candidature a pour but de rassembler autour d’une politique les travailleurs conscients que leur sort dépend uniquement de leur capacité à se défendre contre le grand patronat. Il n’existe aucun « bon président » pour les travailleurs. Quand les urnes seront rangées, quel que soit le vainqueur, nous serons toujours confrontés à l’exploitation, aux bas salaires, à la précarité, aux cadences infernales. La guerre sociale ne s’arrêtera pas au lendemain de la présidentielle. 

Ma candidature est un appel au combat : il n’y aura pas d’avancée significative pour le monde du travail et pour la société dans son ensemble sans s’attaquer aux financiers, au grand patronat, à la bourgeoisie… C’est une question de rapport de force, de grèves, d’affrontements sociaux. 

Julien Vacherot : Dans une campagne où la gauche semble dépassée, que représente votre candidature ?  

N.A. : Je suis candidate pour ne pas laisser le terrain aux politiciens bourgeois. Je suis candidate pour permettre aux travailleurs de prendre la parole et de formuler leurs exigences. Je m’adresse à tous ceux qui ne croient plus au cirque électoral, aux promesses sans cesse trahies, mais qui refusent de se taire et de se résigner. Je m’adresse à ceux qui sont révoltés par les inégalités de plus en plus criantes et ne supportent plus d’entendre « Il y a toujours eu des riches et des pauvres » ou « Ça ne changera jamais ». Je m’adresse à ceux qui refusent de se laisser diviser selon leur origine, leur statut ou leur religion, et qui sont conscients qu’ils forment une seule et même classe, celle des travailleurs, en première ligne pour faire fonctionner la société. 

P.H. : En 2017, vous affirmez être la “seule candidate communiste” de la campagne, réitérez-vous cette affirmation pour la campagne de 2022 ? 

N.A. : Oui, je le réitère car Fabien Roussel, l’autre candidat qui se réfère aux idées communistes, propose de changer la vie dans le cadre de la société actuelle, dans le cadre du système capitaliste. Je dis que ce système ne peut pas être réformé et que tous ceux qui l’ont prétendu se sont en réalité pliés aux « contraintes économiques » du capitalisme en menant une politique anti-ouvrière lorsqu’ils de sont trouvés au pouvoir, comme ce fut le cas pour le parti communiste français. 

Être communiste révolutionnaire, c’est militer pour que les travailleurs accèdent à la conscience que la tâche de transformer la société dépend d’eux. La classe ouvrière, les exploités représentent la seule force sociale qui n’a pas intérêt à la perpétuation de ce système. Les prolétaires n’ont que leurs chaînes à perdre, disait Karl Marx. De la même façon qu’ils font aujourd’hui tourner toute la société pour le compte des capitalistes, qu’ils produisent les profits et font fructifier le capital, les travailleurs sont capables, demain, de la faire tourner pour les intérêts de la grande majorité.  

J.V. : A quoi ressembleraient les 100 premiers jours de Nathalie Arthaud en tant que présidente de la République? 

N.A. : Je n’imagine pas être portée à la tête du pays sans une vague de grève et de mobilisations. Ma première mesure consisterait à faire abolir le secret des affaires, secret derrière lequel se cache le grand patronat,  

La loi obligerait les patrons à mettre à disposition tous les contrats, les livres de comptes. Car on nous dit en permanence qu’il n’y a pas d’argent. Cela permettrait de savoir réellement ce qu’il en est. Cela impliquerait bien entendu une mobilisation et une organisation consente des travailleurs. 

P.H. : Dans votre programme, vous vous dites “en colère” d’entendre “des promesses de tous les côtés” concernant notamment l’augmentation des salaires, assistant à un jeu du “Qui dit mieux ?”. Pourtant, vous proposez vous-même de les augmenter, qu’est-ce qui vous différencie des autres partis ?  

N.A. : Il faut 2 000 euros minimum pour les salaires, les pensions et allocations.  Cela coûte cher ? Oui, mais les 137 milliards de profits réalisé en 2021 par les firmes du Cac40 ne viennent pas du néant, ils ont été engrangés sur les richesses produite par l’ensemble des travailleurs. Les restituer par des augmentations générales de revenus ne serait qu’un juste retour des choses 

J.V. : Alors que l’un des grands enjeux de la campagne de 2022 est de réussir à mobiliser les votes des jeunes, grands abstentionnistes des régionales et municipales de 2021, ceux-ci semblent être totalement absents de votre programme, comment l’expliquez-vous ? Pensez-vous quand même réussir à motiver les votes d’une partie de la jeunesse ? 

N.A. : Je ne sais pas si je réussirai à mobiliser les votes de la jeunesse. Mais j’espère mobiliser la conscience des jeunes, leur conscience que le monde dans lequel nous vivons repose sur un système économique en crise permanente, le capitalisme et la recherche du profit quel qu’en soit le prix, qui mène le monde vers la barbarie. J’espère développer chez les jeunes l’idée qu’un autre fonctionnement est possible. Développer  la conscience qu’il faut aller vers une coopération fraternelle de tous les peuples. Cela ne sera possible qu’en renversant la domination impérialiste des grandes puissances et de leurs capitaux sur les pays pauvres, qui conduit au sous-développement et à des régimes aussi corrompus que dictatoriaux, ce qui va de pair avec le renversant de la domination de la classe capitaliste sur le monde du travail. 

P.H. : Concernant l’écologie, la solution pour vous consiste à “Mettre fin au système capitaliste, irresponsable vis-à-vis des ressources de la planète comme il l’est vis-à-vis de l’humanité tout entière”, pensez-vous vraiment qu’il soit possible d’abolir ce système à temps pour éviter d’atteindre une trajectoire à plus de +2 degrés ? Comment comptez-vous vous y prendre pour y arriver ? 

N.A. : Pour résoudre la question du réchauffement climatique, il faudrait prendre des mesures concertées et cohérentes à l’échelle de toute la planète. Il faudrait évaluer les avantages et les inconvénients de chaque technologie, non pas à très court terme et pour défendre les intérêts de quelques compagnies privées, mais à long terme, en se préoccupant de l’ensemble de l’humanité. Cela exige un recensement des besoins et une planification de la production. Cela suppose de mettre un terme à la concurrence sauvage et aux folles lois du marché qui engendrent la spéculation.

Pour « sauver la planète », comme l’exige avec raison la jeunesse qui se mobilise, il n’y a pas d’autre solution que de placer les industriels sous le contrôle direct des travailleurs et de la population. Il faut supprimer le secret des affaires et le secret industriel. Chaque travailleur, quel que soit son poste ou ses responsabilités, doit pouvoir rendre public, sans risquer son emploi, tous les agissements dangereux dont il a connaissance. Cela ne peut être qu’une première étape avant de collectiviser l’ensemble des groupes capitalistes pour les soumettre à un plan commun de production répondant aux besoins de la population sans détruire la planète et, en  économisant au maximum les ressources. 

J.V. : Si nous ne devions retenir qu’une chose de votre programme, qu’est-ce que cela serait ? 

N.A. : Voici mon slogan à destination des jeunes : 

Crise sanitaire, crise économique, crise écologique : le capitalisme fonce dans le mur. 

Notre avenir passe par la révolution ! 

Illustré par Maxence Delespaul

Julien Vacherot

Julien Vacherot

Étudiant français en Master in Management à HEC Paris (Promotion 2024). Rédacteur en chef de KIP, interviewer et contributeur régulier.

French student in Master in Management at HEC Paris (Class of 2024). Chief Editor of KIP, interviewer and regular contributor.

Pauline Haritinian

Pauline Haritinian

Étudiante française en Master in Management à HEC Paris (Promotion 2024). Double diplôme avec l'ISAE Supaero. Membre de KIP, réalisatrice de vidéo et intervieweuse.

French student in Master in Management at HEC Paris (Class of 2024).
Member of KIP, member of the video pole and interviewer.