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Illustration de Kim Provent pour KIP.

Consentement

A l’aune des débats médiatiques sur la loi du silence dans les cercles du pouvoir et dans la continuité du mouvement #balancetonporc, une chose est sûre, c’est que le consentement a fait couler beaucoup d’encre, et de têtes, dernièrement. Si les témoignages se succèdent, il reste un aspect à mon goût trop souvent négligé. Comment être sûr que l’on consent vraiment ? Quelle petite voix écouter au fond de nous ? Comment savoir que son propre corps est en accord avec son esprit ? Je souhaite au travers de ce témoignage ouvrir les réflexions sur l’aspect fondamentalement subjectif de la perception de l’expérience. Puis d’interroger sur les dynamiques de pression sociale face au désir personnel, à l’heure des réseaux sociaux. 

            Le contexte des études supérieures est souvent un microcosme au sein duquel l’on s’épanouit, mais qui peut vite devenir toxique lorsque ragots et commérages prennent le dessus. Parmi les sujets qui font vivre une communauté étudiante, il y a les cours, certes, mais aussi les histoires de cœurs en tout genre, et plus généralement tout ce qui ressemble de près ou de loin à de la vie privée. A l’image d’un tourbillon médiatique, pas besoin de Lady Whistledown attitrée pour que les « savais-tu que » forment les informations croustillantes les plus en vogue

            Entre pression sociale et estime de soi, la première fois est trop souvent associée à un accomplissement. Se prouver à soi-même comme prouver aux autres que l’on en est capable, font pencher la balance sur une décision pourtant si individuelle. Et si l’on reste au final seul maître du jeu, comprendre les interactions avec l’environnement dans laquelle ce dernier prend place est essentiel. 

Alors laissez-moi vous raconter une petite histoire. La mienne. 

            « Avoir envie de vomir, d’exprimer cette rauque nausée du plus profond de mon âme. La même nausée que j’ai eue après ma première fois. C’est le sentiment que j’éprouve à la lecture de témoignages de jeunes sexuellement agressés, à la fois si beaux et si durs. 

            Est-ce que j’ai été moi-même agressée ? Je ne pense pas. En vérité c’est difficile à dire.  Parce que mon corps et mon esprit en période de stress souvent se disjoignent. Parce que « des milliards de personnes le font, alors pourquoi pas moi ». Je prends beaucoup de distance quand j’écris ces lignes, une manière inconsciente de me protéger peut-être. J’aimerais dire tout haut quelque chose de délicat, qui encore une fois concerne le consentement mais semble évident. 

« Quand tu dis oui, tu consens ». 

           “Mais vous êtes-vous déjà posé la question du contexte dans lequel cette question apparaît ? Du stress, de l’excitation, de la peur et du désir au sein desquels elle prend place ? Que la réponse puisse être automatique, instinctive, que notre propre corps peut nous jouer des tours, parfois ? C’est compliqué d’écrire cela. Je vois déjà des airs hautains et des sourires empathiques me disant, « ma belle, si tu ne voulais pas pourquoi tu as dit oui ? On ne peut pas deviner ».

Et pourtant.

            En racontant cette expérience pas traumatisante mais pas très glorieuse non plus, je me la repose. Étais-tu vraiment consentante, au fond de toi ? Et si c’était le cas, comme tu te l’affirmes à toi-même et aux autres alors pourquoi as-tu envie de vomir en passant aujourd’hui devant le rayon de sous-vêtements masculins ? Pourquoi as-tu fait un malaise dans les toilettes à la vue du sang de l’hymen quelques minutes juste après l’acte ? 

            Et j’aimerais rajouter un élément à cette définition si complexe. Complexe car c’est difficile de savoir ce que veut l’autre quand l’on n’est pas capable de savoir ce que l’on veut soi-même. Pour moi, ce n’est pas une voix qui consentit, c’est un corps. On dit souvent que le langage averbal est 90% de la communication, alors pourquoi est-il si peu mentionné lors des questions de consentement ?

 Quel est le pouvoir d’un mot quand le corps parle de lui-même

            Parce que des dizaines d’émotions confuses agitent notre esprit à ce moment-là. Entre la peur de décevoir, la honte de son corps nu, ou encore la singularité du moment, notre propre conscience est tout sauf limpide. Alors reposez-vous deux fois la question du consentement. Même si votre partenaire vous dit l’être. Même s’il/elle fait semblant de ne pas sentir la douleur, pourtant si lisible.

            En un mot, apprenez à lire un regard fuyant, à déchiffrer un geste de recul, à sentir la personne en face de vous. Sachez deviner si l’autre est vraiment prêt.e à lâcher prise, du moins autant qu’i.e.l le prétend. C’est cela le consentement.” 

            Merci de m’avoir lue. Se livrer publiquement est un exercice difficile, alors j’espère avoir su planter de petites graines de réflexion dans votre esprit, qui lorsqu’elles germeront en grandes et belles plantes, contribueront  à augmenter la proportion de personnes bienveillantes, à l’écoute et respectueuses sur cette planète. 

Laura Parascandola

Laura Parascandola

Etudiante en double master Sciences Po - HEC. Membre de KIP et contributrice régulière.

Sciences Po - HEC dual master student. Member of KIP and regular contributor.