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Illustration par Julie Omri pour KIP.

Bienvenue à Shanghai

« Avancez-tout droit, ne faites pas demi-tour »

Shanghai. Ses buildings scintillants de mille feux dès le coucher du soleil. Sur le Bund1cf. images : célèbre quai longeant le fleuve Huangpu et abritant les bâtiments coloniaux du vieux Shanghai. Le Bund offre une vue splendide sur le quartier des affaires Lujiatsui, et ses gratte-ciels., la Perle de l’Orient vêtue d’un voile de lumière coloré guide les passants dans la nuit. Majestueuse, elle sert de point de repère à quiconque souhaite admirer la grandeur de l’Empire du milieu. 

Tous les soirs, à la tombée de la nuit, le spectacle enchanté des grattes ciels qui s’illuminent émerveille petits et grands. La foule vite formée se presse vers la promenade, solidement encadrée par des policiers. « Avancez tout droit. Ne faites pas demi-tour » scandent des haut-parleurs, rythmant le pas de cette masse grouillante attirée par la lumière. L’obéissance est de règle, des sifflets stridents stoppent net les récalcitrants. Une fois sur la place principale, l’ambiance est tout autre. Les haut-parleurs ont délaissé leur froideur militaire pour une douce musique classique. C’est alors que le show commence. Dix minutes de lumières, sons, et magie remplissent les âmes, tout d’un coup, vibrant à l’unisson face à la bannière « I love China » finale. Shanghai, ce bijou économique, financier et technologique ne fait pas de doute dans l’imaginaire collectif : c’est la fierté nationale.

Shanghai : Premiers pas dans une ville futuriste

Shanghai, six heures du matin. Le jour se lève sur la capitale économique chinoise, la lumière rosée du soleil se réfracte doucement dans les nuages. Sur la place financière du Bund, des personnes âgées s’étirent et s’apprêtent à courir. Certaines pratiquent le taichi2gymnastique corporelle dérivée des arts martiaux chinois, qui utilise les flux énergétiques et la souplesse. Le Taichi se pratique en réalisant un ensemble de mouvements continus avec lenteur et précision.. D’autres font du cerf-volant, tout sourire, les yeux rivés au ciel. Shanghai, petit à petit se réveille. Les petites gargottes ouvrent le bal en servant le petit déjeuner à même la rue, puis c’est au tour des magasins. Il est huit heures. Pas très loin de la place centrale, un groupe de personnes attend en silence devant une boutique fermée, tous visiblement résignés à lutter contre le froid matinal. La raison de cet étrange rassemblement ? La sortie d’une nouvelle paire de chaussures….le Dieu de la consommation a décidément encore de beaux jours devant lui ! Plus tard dans la journée, vers quatorze heures, des cris de joie se font entendre sur la fameuse avenue Nanjing Road. Derrière une foule en délire, un jeune acteur – une star montante selon les connaisseurs – va à tout moment débarquer. Armés de leur téléphone dernière génération, les jeunes Chinois présents mitraillent et partagent en direct à leurs abonnés cet instant mémorable. 

Cette scène représente plutôt bien l’atmosphère de l’avenue, celle d’une jeunesse branchée à la pointe de la mode chinoise. Sirotant un Lelecha – la boisson fruitée locale où l’on retrouve la fameuse crème salée appelée « cheese » -, vêtus d’une tenue extravagante et de cheveux teints, les passants font partie prenante du paysage moderne shanghaien. Autour d’eux, la profusion d’écrans colorés et de grandes enseignes semblent caractériser cette ville proactive, muée par le désir de tirer tout le pays vers la modernité. 

Cinq sens en éveil

S’il y a bien une expérience typique à Shanghai, c’est la stimulation permanente de vos différents sens. Vos yeux semblent les premiers servis, devant la diversité architecturale, mêlant temples traditionnels à immeubles couleur pastel neufs, en passant par les très nombreux bâtiments en construction. L’on vous met au défi de revenir au même endroit quelques mois après, vous constaterez par vous-même qu’il y a eu du changement. Si de manière générale les habitants font l’âme d’un endroit, son architecture en révèle beaucoup sur son identité. A Shanghai, les projets pharaoniques de construction d’une ville verte d’ici 2050, illustrent bien les ambitions mondiales en termes d’avancées technologiques et développement durable de la ville. Il suffit de grimper dans la Perle de l’Orient pour découvrir en images, accompagné d’une musique de film de science-fiction, ces plans d’avenir. Entre drones circulant dans l’air, espaces verts abondants, ou encore tramways en lévitation, cette perspective a de quoi faire tourner la tête. Le futur sera celui du développement durable, et la Chine semble vouloir montrer au monde qu’elle l’a bien compris. 

Votre odorat va également certainement s’affûter, face à l’incroyable diversité des effluves, à toutes heures de la journée. Gâteaux frits distribués en masse par des marchands ambulants pour le petit-déjeuner ; brochettes de viande, de calamar, de grillon, ou même de scorpion pour le goûter ; ou encore odeur de nouilles au boeuf s’échappant des restaurants pour le dîner  ; les trois repas par jour occidentaux deviennent vite has been. Nos amis les végétariens et végans doivent affronter quant à eux quotidiennement les très fortes odeurs de viande, sous toutes ses formes. La Chine se développe et la consommation de viande en croissance exponentielle en est un signe ostentatoire.

Mais attention aux nez sensibles, car certains affirment que la pollution a également une odeur, celle de fumée épaisse s’installant confortablement dans les poumons. Shanghai semble d’ailleurs vivre au rythme de ses pics de pollution. Dès que le ciel s’assombrit, ce sont vingt-quatre millions d’habitants qui disparaissent, les rares courageux devenus anonymes sous leur masque.

En ce qui concerne l’ouïe, Shanghai s’avère être une effrayante mais plutôt charmante cacophonie de sons – entre les sirènes d’alarmes de scooter, klaxons des motos, cris d’enfants et construction d’immeubles de jour comme de nuit, il y a de quoi animer une mégalopole. 

Dernier mais pas des moindres, les papilles n’ont pas à se plaindre…ou presque. A Shanghai, c’est un méli-mélo de cuisine chinoise de toutes provinces confondues qui est servi dans les assiettes. Entre plats épicés du Sichuan, canard laqué de Pékin, ou 小笼包  (xiaolongbao) locaux, le plus difficile est de faire son choix. Nouilles tirées à la main ou bol de riz servent le plus souvent d’accompagnement aux plats de légumes et de viande. Les légumes sont en effet abondants en Chine…mais l’huile l’est tout autant. Alors régalez-vous et n’oubliez pas de mettre les pieds dans un restaurant de barbecue, ou vous serez au moins émerveillés et au pire dégoûtés de voir que tout se mange ici. Petite faim d’yeux de cochons ou de pattes de poulet ? Aucun souci. Dans tous les cas, le barbecue chinois est une expérience marquante, comme en témoigneront vos vêtements empreints d’un tout nouveau parfum mode locale à la sortie du restaurant. Vous savez où emmener votre date. 

Bienvenue, cher lecteur, dans un monde parallèle, celui du paradoxe et de la démesure. Un endroit à part, où la culture millénaire se juxtapose désormais aux gratte-ciels monumentaux. Maintenant que j’ai balayé le décor et, j’ose espérer, su attirer votre attention sur ce pays méconnu, tenez-vous prêt pour rentrer dans le vif du sujet. La suite dans le prochain épisode

Laura Parascandola

Laura Parascandola

Etudiante en double master Sciences Po - HEC. Membre de KIP et contributrice régulière.

Sciences Po - HEC dual master student. Member of KIP and regular contributor.