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Illustration par Julie Omri pour KIP.

Arrêtons de leur jeter la pierre : Disney a sauvé Star Wars

C’est un refrain que l’on entend bien trop souvent depuis le rachat le 30 Octobre 2012 de Star Wars par l’empire de Mickey : « Disney a tué Star Wars », « Disney a détruit le mythe de mon enfance », « Star Wars est mort le jour où Disney l’a repris ». La principale cible de ces critiques est Kathleen Kennedy, nommée à la tête de Lucasfilm depuis le rachat par Disney. La haine vouée par certains aux nouveaux rejetons du studio estampillés Star Wars est telle que des groupes d’internautes en furie se sont créés afin de faire chuter les notes attribuées aux opus de la nouvelle trilogie sur le site de référence Rotten Tomatoes. Si je peux comprendre n’importe quelle critique dès lors qu’elle est raisonnable et raisonnée, je pense qu’il faut ici clairement remettre les pendules à l’heure et rendre dans une certaine mesure hommage au travail mené par les équipes de Disney depuis bientôt une décennie.

Des critiques exagérées et souvent issues de caricatures de l’empire Disney actuel

Soyons tout de suite clairs : il ne s’agit pas ici d’encenser de manière unilatérale la nouvelle trilogie Star Wars (souvent appelée « postlogie »). Celle-ci n’est en aucun cas dénuée de défauts. Alors oui, l’enchaînement entre l’épisode 8 Les derniers Jedi et l’épisode 9 L’Ascension de Skywalker est bancal, avec le retour de l’empereur Palpatine en tant que grand antagoniste de la trilogie censé être resté dans l’ombre pendant deux films sur trois de celle-ci. Oui, certains passages sont clairement inutiles à l’avancée de l’intrigue et donc oubliables (mention spéciale à la scène du casino dans Les derniers Jedi). Et encore oui, pour le grand retour de Star Wars au cinéma après dix ans d’absence en 2015, Disney nous a donné Le Réveil de la force dont le scénario est calqué sur celui d’Un nouvel espoir sorti en 1977. Mais malgré ces défauts évidents, ayant revu récemment les épisodes 7 à 9, j’ose l’affirmer : n’en déplaise aux nombreux haters, ces films restent bons.

Je pense qu’avant tout la postlogie a été victime de l’union de deux types d’individus qui auraient de toute façon été à mettre au rang des déçus de ces films : d’un côté les fans inconditionnels de la trilogie originelle de George Lucas, de l’autre les personnes exécrant l’empire créé par Disney au cours de la décennie passée. Les premiers ne pouvaient accepter qu’on touche au mythe de leur enfance, quand les seconds rejettent par principe tout produit du studio aux grandes oreilles. Dès lors, il était sûr que ces nouveaux épisodes allaient faire polémique.

On a vu dès lors naître beaucoup de critiques injustifiées. Prenons la critique de la supposée « marvelisation » de Star Wars depuis son rachat par Disney, à comprendre comme la transformation de l’univers de George Lucas en une série de films tous semblables où règne un humour facile. Combien se sont émus de voir Luke au début du film Les derniers Jedi (film au centre des critiques depuis sa sortie) jeter comme si de rien était son sabre laser ? Mais pourtant, les films précédents n’étaient pas exempts d’humour, parfois même un peu graveleux. De même, les personnes qui ont diabolisé Disney pour avoir intégré au film les porgs, bestioles ressemblant vaguement à des pingouins surtout là pour faire vendre des peluches, ont un peu trop rapidement oubliés l’existence dans Le Retour du Jedi des Ewoks qui avaient la même fonction. Mais peut-être est-ce tout simplement moins grave quand c’est fait par Saint Lucas que quand Mickey est à la barre.

Un vent de renouveau bienvenu

Il est à présent temps d’en passer à l’un des principaux points pour lequel la postlogie s’est fait lyncher : son scénario et particulièrement son traitement de l’héritage Star Wars. Alors oui, SPOILER ALERT, ni Luke, ni Han Solo, ni Leia, les trois personnages qui formaient le trio central de la trilogie originelle de Star Wars, ne passent le cap de la postlogie, chaque épisode faisant disparaître l’un de ces trois héros. Pourtant, je n’arrive pas à être mécontent de cette décision, loin de là ! En effet, toute grande saga doit à un moment ou à un autre savoir faire évoluer ou mourir ses personnages principaux. Star Wars n’échappe pas à cette règle : une nouvelle trilogie s’appuyant sur les mêmes personnages que la précédente serait apparue comme redondante ! Ici, la place a été laissée à de nouvelles figures, Rey, Finn et Poe, dont elle a pu développer l’histoire. Autre problème de taille qui rendait nécessaire de se séparer ou de faire au moins évoluer la place de ces héros : Mark Hamill et Harrison Ford n’avaient plus leur jambe d’il y a quarante ans. D’ailleurs, la princesse Leia n’a trouvé la mort dans le film qu’après que cela ait été le cas pour l’actrice interprétant le rôle Carrie Fisher dans la vie réelle.

Mais d’autres m’opposeront encore cet argument : « C’est bien beau de les tuer, mais encore aurait-il fallu ne pas détruire quarante ans d’héritage Star Wars en trois films… ». Mais qu’appelle-t-on détruire exactement ? Introduire de nouveaux pouvoirs liés à « la force » permettant d’apporter enfin un peu de fraîcheur par rapport aux traditionnels éclairs et champs de force déjà maintes et maintes fois utilisés ? Oui le fait que Rey et Kilo Ren puissent se parler par la pensée, se faire passer des objets à distance par le même moyen et même se soigner est assez rapidement expédié et déséquilibre certains enjeux, mais si l’on parle de déséquilibre, souvenons-nous un instant de l’épisode 3 qui heureusement pour lui face aux critiques était marqué du saint sceau de George Lucas : quand Palpatine élimine en cinq secondes trois maître Jedi aguerris et siégeant au conseil, n’y a-t-il pas un problème d’équilibre là aussi ? Enfin, oui l’épisode 8 s’achève en montrant que la force peut finalement être en chacun de nous, mais regardons de plus près : une nouvelle histoire avec un nouveau Skywalker ou un descendant obscur d’Obi Wan Kenobi aurait tout de même senti très fort le réchauffé !

Il faut également souligner un point selon moi très important : les principaux problèmes de la postlogie Star Wars sont dûes … aux critiques et aux hurlements indignés des fans. On ne peut décemment reprocher à l’épisode 8 de couper radicalement les ponts avec toute la mythologie Star Wars quand on voit que l’épisode 7 qui comptait s’inscrire dans la lignée des films précédents a été critiqué pour son manque de renouvellement des enjeux de la saga. Le retour de Palpatine est selon vous beaucoup trop gros et imprévu pour que l’on y croit ? Mais lorsqu’on lynche Les derniers Jedi pour avoir laissé la trilogie sans grand méchant, il ne faut pas s’étonner qu’on nous en ramène un d’un coup de baguette magique dans l’épisode suivant ! A l’origine, l’épisode 9 devait s’intituler « Duel of the fates » et les concept art qui sont arrivés jusqu’à nous montre que c’était l’opposition finale entre Kylo Ren et Rey, sans qu’il n’y ait aucune trace du seigneur noir des sites dans cette version. Alors oui, à force de râler, il faut assumer qu’au final on puisse être entendu, parfois pour le meilleur mais parfois pour le pire par les studios…

Même si Star Wars est plus durement critiqué que jamais par les fans, il n’en reste pas moins que Disney arrive à fixer de nouveaux horizons à la franchise en multipliant les programmes de qualité

S’attaquer à Disney pour sa gestion de la licence Star Wars nécessite de ne pas uniquement s’intéresser à la postlogie, même si c’est elle qui a concentré toutes les intentions. En effet, outre ces trois films, deux autres productions ont également vu le jour sur grand écran. Solo fut un échec au box-office ainsi que la risée du public (là encore on pourrait disserter longtemps sur les attentes démesurées liées au personnage du contrebandier légendaire qui promettait au film un accueil de toute façon houleux). Mais Disney est aussi à l’origine du projet Rogue One, qui lui est aujourd’hui unanimement reconnu comme un grand succès. Si on nous avait dit dix ans auparavant qu’un film racontant le vol des plans de l’étoile noire pourrait sortir et cartonner de cette manière, tout bon fan de Star Wars qui se respecte aurait signé des deux mains sans hésiter.

Et au-delà des films, il est également nécessaire de rappeler que le rachat de Star Wars a également donné lieu à un développement de l’univers sur petit écran. Deux productions sont déjà sorties depuis 2012. Qui n’a pas entendu parler de la série The Mandalorian, qui ouvre de nouveaux horizons sans pour autant rejeter complètement l’héritage des films d’origine avec des caméos bien choisis (coucou Luke et son apparition à la fin de Saison 2) et a été érigé en l’espace de seulement 16 épisodes en tout au rang de phénomène mondial grâce aux personnages attachant de bébé Yoda ou encore de Mando ? Il convient également de parler de la Saison 8 de The Clone Wars, série d’animation relancée par Disney qui lui a offert une conclusion somptueuse… La licence Star Wars est ainsi devenue l’une des propositions phares de la nouvelle plateforme Disney +.

Enfin, si certains voient la multiplication des projets autour de cette licence comme une volonté bien Disney de saigner au maximum la poule aux œufs d’or Star Wars, j’y vois personnellement au contraire une opportunité d’approfondir l’univers, perspective que devrait adorer n’importe quel vrai amoureux des sabres lasers ! Qui n’a jamais rêvé de voir les innombrables histoires de l’univers étendu adaptées sur le grand ou le petit écran ? Tant ont reproché à Disney d’avoir décanonisé celui-ci, comment peut-on dès l’or se plaindre de voir des projets prévus sur Dark Plagueis, l’amiral Thrawn et tant d’autres annoncés dans les toutes prochaines années. Certains diront que trop de Star Wars tue Star Wars, moi je suis au contraire d’avis que plus nous aurons de programmes (tant que ceux-ci restent de qualité bien évidemment), mieux ce sera.

Julien Vacherot

Julien Vacherot

Étudiant français en Master in Management à HEC Paris (Promotion 2024). Rédacteur en chef de KIP, interviewer et contributeur régulier.

French student in Master in Management at HEC Paris (Class of 2024). Chief Editor of KIP, interviewer and regular contributor.