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Illustration de Kim Provent pour KIP.

A la recherche du bonheur

Qu’est ce qui te rend heureux ? J’ai posé cette question à de nombreux amis, je me la suis posée moi-même. Cette question dérange. Elle résonne comme un cri sourd depuis le fin fond des vallées sinueuses de notre âme. Indistinct, son faible résonnement passe inaperçu face au cri envahissant des pensées qui tourmentent notre esprit. Une hiérarchie inconsciente s’établit dès lors que la question essaye de se faire entendre : nos pensées s’imprègnent inlassablement de la réalité stressante de notre vie quotidienne et font taire les questions existentielles. Mais quand la vitrine de notre quotidien se casse, on s’aperçoit que derrière se cache un corps meurtri et affaibli, le nôtre. Commencent alors nuits blanches et désillusions : la vie dont le rythme nous réconfortait jadis apparaît désormais comme un engin infernal, destructeur et inarrêtable. Confrontés à cette effrayante machine qu’est notre routine, nous nous enfermons dans une solitude morbide. Notre corps, notre esprit n’apparaît plus comme l’ombre de nous-même, et nous ne nous reconnaissons plus. Devant notre propre corps devenu étranger, nous crions d’agonie : pourquoi suis-je si triste ?

Ne taisons plus les questions existentielles.

            « Pourquoi pleures-tu ? » demandai-je à mon amie, quelque peu étonné de sa tristesse. Elle ne me répondit pas tout de suite, il lui fallut d’abord quitter la pièce pour retrouver ses esprits. Pourquoi une simple question suscite-t-elle tant d’émotions ? Pourquoi est-ce si difficile de dire ce qui nous rend heureux ? Je m’engageai dans un chemin tortueux qui questionne la raison même de notre existence. Parce que si nous sommes malheureux, à quoi bon ? Si aucun philosophe n’a trouvé de raison convaincante à l’existence de l’humanité, pourquoi donc se priver du bonheur ? Chaque atome de notre corps, chaque moment de notre vie devrait être dévoué à ce but. Non pas qu’il existe de bonheur ultime, ce serait bien idyllique, mais au moins nous devrions clamer haut et fort : « je suis plus heureux que je suis malheureux ». Aujourd’hui, sommes-nous seulement capables de le dire ? Le bonheur absolu est une utopie dans laquelle nous sommes bercés depuis la plus tendre enfance. Les malheurs de la vie sont bien présents, et empêchent d’atteindre cet idéal impossible. La maîtrise de notre propre existence est sans cesse bousculée par les rouages invisibles de l’humanité dans lequel nous sommes happés et ballotés contre notre gré. Je ne peux être complètement maître de mon destin. Mais je suis maître de mon bonheur.

            Qu’est ce qui me rend heureux ? Est-ce mon travail, ma famille, mes amis ? Est-ce un sourire, un regard, un merci ? Il n’existe aucune bonne réponse. La seule réponse correcte, c’est la nôtre. C’est une réponse qui provient de notre plus profonde intimité, une grotte obscure perdue  au milieu des montagnes, dans laquelle se cachent autant les vieux démons de notre passé que les lumières de notre personnalité. Ne nous attendons pas à trouver un objet précis et défini, mais plutôt un tas de choses que tout différencie. J’adore les soirées tisanes, voir des chiens se rouler dans la neige et prendre le train en écoutant de la musique country. Quel est le point commun à ces trois choses ? Elles me rendent toutes heureux. Munissons-nous de notre meilleure lampe, couvrons-nous chaudement et engouffrons-nous dans cette grotte. Promis, aucun ours ne nous attendra au fond de la grotte, quoique j’y ai croisé une fois un loup furieux qui me bloquait la route : mon égo. Pourtant, au lieu de le fuir, ou pire, de le combattre, je me suis attardé à la cajoler et à l’accepter. Le loup était devenu chiot.

            Pourquoi s’attarder à dompter la bête ? L’acceptation de soi est la première étape dans la recherche du bonheur. S’accepter, c’est apprendre à regarder fièrement, droit dans les yeux, la vile créature, caricature de tous nos défauts. Laissez-la inonder votre esprit, un bref instant, de son mépris et de son arrogance. Acceptons cette face sombre de notre personnalité pour mieux comprendre nos humeurs et nos sentiments. Mais déception, haine et colère ne doivent pas non plus occulter passion et joies. Si les ombres de la grotte, effrayantes, semblent absorber tous les rayons de lumières apaisants de notre existence, douter de nos qualités nous serait fatal. Elles sont nombreuses. Encore faut-il percevoir leur scintillement.

            Si nous connaître est déjà une étape difficile, comprendre ce qui nous rend heureux paraît alors comme mission impossible. Nous sommes comme ça. Et c’est peut-être pour cette raison que nous avons autant de mal à trouver ce qui nous rend heureux. Nous sommes bien plus sensibles à ce qui nous désespère plutôt qu’à ce qui nous enjaille. Combien de fois nous sommes-nous plains comparé au nombre de fois où nous nous sommes dit « je suis heureux ». Remarquons ces moments privilégiés où nous nous sentons bien. Écrivons-les s’il faut, mais disons-nous : à ce moment, j’étais heureux. Une froide après-midi de janvier, je me suis rendu avec une personne importante pour moi sur les quais de Seine. Le temps était glacial, nous avions beaucoup marché, j’étais fatigué. Et pourtant, comme énivrés par la musique joué par des latinos sur les quais, nous avons dansé. Je me suis pris au jeu, je l’ai dit tout haut : « je suis heureux ». Je venais de forger un souvenir inoubliable. N’attendons pas, impassibles, les beaux moments arriver à nous : simplement remarquons-les, car ils sont là, juste là, vous en avez des dizaines, dans votre mémoire. Ce sont ces moments, parfois pas plus signifiants qu’un coucher de soleil, qui nous font aimer la vie.

Dépassons les aprioris.

            Si il est difficile de remarquer ce qui nous rend heureux, c’est qu’il est aussi difficile de l’assumer. Notre vision du bonheur est étriquée par tous les prétendus conseils et aprioris que nous lancent avec dédain des personnes qui croient mieux nous connaître que nous-mêmes. Répétons-le une bonne fois pour toutes : nous sommes les seuls à savoir ce qui nous rend heureux. Nous vivons dans une société remplie de préjugés, de « que dira-t-on », de regards en biais. Si j’ai envie de m’esclaffer à chaque blague pas drôle, qu’est ce qui m’en empêche ? Si parler pendant des heures de ma collection de vieilles consoles de jeu me passionne, pourquoi m’arrêter ? Soyons fiers. Oui, fiers de qui nous sommes. Cette fierté nous fera peut-être réestimer quelques-unes de nos amitiés. Le jugement est le pire poison de notre existence. Nombreux sont ceux qui n’arrivent pas à passer outre, alors évitons ceux qui nous jugent, trouvons des personnes qui ont la même définition du bonheur. Si nous sommes assez forts, osons clamer haut et fort que même si je dérange, c’est ma personnalité et c’est comme ça que je suis heureux.

            Je ne prétends pas qu’il ne faille jamais se remettre en question. Mais lorsque le jugement provient d’une ou deux mêmes personnes, pourquoi s’en soucier ? En se tenant à ses principes, à ses valeurs, il n’y a nul besoin de remise en question. Soyons à l’écoute, mais une écoute objective pour rester fidèle à soi-même.

Un chemin escarpé.

            Il va falloir combattre. Sortons nos armes car la bataille sera longue, nous n’en ressortirons pas sans quelques blessures. Mais nos cicatrices seront la preuve des progrès accomplis, et seront comme une marque indélébile qui nous rappellera, tout au long de votre vie, les joies de l’existence et de la plénitude intérieure. Il y aura des moments dans notre vie, où il va falloir se battre de nouveau. Parce que nous évoluons, notre environnement évolue et en conséquence, ce qui nous rend heureux également.

            Regardons, d’un œil nouveau, ce qui nous entoure. Apprécions toutes ces petites choses, trop souvent jugées insignifiantes, comme un coucher de soleil ou le sourire d’une personne qui nous est chère. Que nous soyons d’accord : c’est une somme de choses insignifiantes qui font notre bonheur. Créons des moments privilégiés avec les personnes que nous aimons. Soyons en accord avec notre corps et notre esprit et pour cela, apprenons à nous connaître. Oui aimons-nous, avec nos qualités et défauts, sans laisser les autres dicter notre conduite. Remarquons toutes ces fois où nous avons été heureux qui sont passées de trop nombreuses fois inaperçues. De cette façon, nous pourrons nous sentir vraiment heureux lorsqu’ils se présenteront de nouveau. La recherche du bonheur est une voie difficile mais nécessaire, car s’il y a une chose qui nous réunit tous, êtres humains, c’est le droit à être heureux. 

Maxence Delespaul pour KIP

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Maxence Delespaul

Maxence Delespaul

Étudiant français en Master in Management à HEC Paris (Promotion 2024). Président de KIP et contributeur régulier.

French student in Master in Management at HEC Paris (Class of 2024). President of KIP and regular contributor.

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